Vies des douze Césars
pain manqua souvent à Rome, et que la plupart des plaideurs encoururent la déchéance pour n’avoir pu se trouver à l’assignation. (2) Il n’y eut point de fraude et d’artifice qu’il n’employât pour se défaire de ce mobilier. Tantôt il reprochait à ses concitoyens leur avarice, et leur demandait s’ils n’avaient pas honte d’être plus riches que lui ; tantôt il feignait de se repentir d’avoir prodigué à des particuliers des meubles de princes. (3) Il apprit un jour qu’un riche provincial avait donné deux cents sesterces aux appariteurs pour qu’il l’admissent frauduleusement à un de ses repas. L’empereur ne fut point fâché que l’on mît à un si haut prix l’honneur de manger à sa table. Le lendemain, voyant cet homme à l’enchère, il lui fit adjuger un objet frivole pour deux cent mille sesterces, et lui envoya dire qu’il souperait avec César, d’après son invitation personnelle.
XL. Il lève de nouveaux impôts
(1) Il leva des impôts nouveaux et inouïs jusqu’alors, d’abord par des fermiers publics ; puis, comme les bénéfices devenaient immenses, par des centurions et des tribuns prétoriens. Il n’y eut aucune chose et aucune personne qui ne fût taxée. (2) On mit un droit fixe sur tous les comestibles qui se vendaient à Rome. On préleva sur les procès et les jugements, en quelque lieu qu’ils fussent rendus, le quarantième de la somme en litige ; et il y eut une peine pour ceux qui seraient convaincus d’avoir voulu transiger ou renoncer à l’affaire. Les portefaix furent obligés de donner le huitième de leur gain journalier, et les courtisanes ce qu’elles gagnaient dans chaque visite. La loi ne se borna pas là. Celles qui avaient exercé le métier d’entremetteuses ou de prostituées furent soumises à ce droit. Les mariages même n’en furent pas exempts.
XLI. Il établit un mauvais lieu dans le palais. Ses profits au jeu
(1) Ces impôts ayant été proclamés, mais non affichés, il se commettait beaucoup de contraventions par ignorance de leurs dispositions. Caius se décida enfin, sur les instances du peuple, à afficher sa loi, mais en très petits caractères, et dans un lieu fort étroit, afin que personne ne pût en prendre copie. (2) Pour essayer toute espèce de rapine, il établit un mauvais lieu dans son palais. Un grand nombre de cabinets furent construits et meublés conformément à la majesté du local. On y plaça des matrones et des hommes de condition libre. Des esclaves nomenclateurs étaient envoyés sur les places et dans les basiliques pour inviter à la débauche les jeunes gens et les vieillards. On prêtait aux arrivants de l’argent à usure, et des employés recueillaient publiquement leurs noms, comme favorisant les revenus de l’empereur. (3) Il ne dédaignait pas même les profits des jeux de hasard ; mais il en retirait bien plus encore de la fraude et du parjure. Un jour qu’il avait chargé son voisin de jouer pour lui, il vit passer, en se promenant dans le vestibule de son palais, deux chevaliers romains qui étaient riches. Il les fit arrêter sur-le-champ, confisqua leurs biens, et rentra, au comble de la joie, en se vantant de n’avoir jamais fait un plus beau coup de dés.
XLII. Sa passion pour l’argent
(1) Lorsqu’il lui naquit une fille, sous prétexte qu’il était pauvre, et qu’aux charges de l’empire se joignaient celles d’une famille, il voulut que l’on contribuât à son éducation et à sa dot. (2) Il annonça qu’il recevrait des étrennes au renouvellement de l’année ; et, le jour des calendes de janvier, il se tint dans le vestibule de son palais pour y attendre les cadeaux qu’une foule de gens de toute condition répandait devant lui à pleines mains en vidant ses vêtements. (3) Enfin, pour se mettre en contact avec le métal qui l’enflammait d’ardeur, il se promenait souvent nu-pieds sur d’énormes monceaux d’or étalés dans un vaste bâtiment, et quelquefois il s’y roulait tout entier.
XLIII. Son expédition en Germanie
(1) Il ne se mêla qu’une fois de la guerre, et encore sans dessein prémédité. Il était venu visiter le Clitumne et les bois qu’il arrose, et s’était avancé jusqu’à Mévania. On lui conseilla de compléter la garde batave qui l’accompagnait. Aussitôt il résolut de faire une expédition en Germanie. (2) Sans perdre de temps, il leva de tous côtés des légions et des troupes auxiliaires,
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