Vikings
exigeons aussi une terre à piller pour garantir la subsistance de notre peuple. Ces conditions sont irrévocables et non négociables.
— Comment... balbutia l’émissaire royal, comment oses-tu poser d’autres conditions au roi des Francs ? Le glorieux héritier du grand roi Charles !
Hròlfr claqua dans les mains pour réclamer une corne d’hydromel, car cette conversation animée lui avait donné soif.
— Comment j’ose discuter ? répondit-il goguenard. Eh bien, justement parce que ton petit Roi n’est que le lointain héritier d’un grand Roi. Son royaume prend l’eau de toutes parts comme le drakkar mal affrété pour le combat. Charles a besoin de nous, il est donc légitime que nous lui imposions nos conditions.
Francon fut parcouru d’un frisson causé par le froid, car la nuit était fraîche malgré la saison. Il rajusta sa longue cape et répondit de mauvaise grâce à son inflexible interlocuteur.
— Soit, concéda-t-il froidement, je répéterai tes paroles à mon Roi ainsi qu’à l’archevêque.
L’évêque salua Hròlfr et se retira. Puis il se retourna.
— À ce propos, ajouta-t-il, la condition de la conversion n’est point du tout négociable. Que Dieu soit avec toi, Hròlfr. Le seul Dieu, le nôtre...
Hròlfr regarda l’homme d’Église s’éloigner et quitter la clairière. Les flammes du bûcher montaient haut dans le ciel. Un peu plus loin, ses hommes ripaillaient en se faisant remplir leurs cornes d’hydromel. Un guerrier s’était emparé d’une servante qui se débattait comme une biche prise au piège. La jeune femme le griffait au visage, mais l’homme n’entendait pas laisser échapper sa proie. En découvrant les traces sanglantes sur son visage, ses compagnons éclatèrent de rire et commencèrent à imiter le cri du chat qui miaule.
Livre Neuvième
A PRÈS UNE LONGUE NUIT D ’ INSOMNIE et de questions sans réponse, Popa avait résolu de parler à Rollon dès le lever du soleil. À en juger par l’expression gênée du garde devant sa tente, elle comprit que sa visite dérangeait. Pour autant, il était hors de question de renoncer à la décision qu’elle venait de prendre. Comme le garde tentait tant bien que mal de l’empêcher de pénétrer dans la tente, elle lança sur un ton autoritaire :
— Laisse-moi passer ! As-tu oublié qui je suis ? Je suis la femme de ton chef !
— C’est que, bredouilla le guerrier visiblement peu accoutumé à ce genre de situation, j’ai reçu l’ordre de ne laisser entrer personne, sous aucun prétexte.
À ce moment précis, la toile de la tente frémit et Freya en sortit. Loin de baisser les yeux lorsqu’elle passa devant Popa, elle inclina la tête avec respect avant de lui lancer un regard. Il n’y avait pas de lueur de défi dans ses yeux, ni même la moindre trace d’arrogance. Freya connaissait la place qu’elle occupait dans la vie de Hròlfr au sang bouillant, elle n’en ignorait ni les bons ni les mauvais côtés. La nuit qu’elle venait de passer avec l’homme qu’elle aimait avait été belle et chaude, mais elle n’était pas la femme du chef. Popa n’adressa pas la parole à sa rivale, mais il était impossible de déterminer si c’était par antipathie ou parce qu’elle n’avait tout simplement rien à lui dire.
Hròlfr était plongé dans la lecture d’un document quand il vit entrer son épouse. Il leva la tête et sourit comme il avait coutume de le faire chaque fois qu’il la voyait dans l’intimité. Popa remit sa tresse en place sans que ce geste féminin eût pour ambition de le séduire, il y avait même beaucoup de dureté dans son regard lorsqu’elle se décida à parler à son époux.
— Hròlfr, commença-t-elle avec gravité. Il y a autour de toi des hommes qui te veulent du mal. Quelques hommes et surtout... une femme.
Hròlfr enroula le document qu’il consultait et regarda son épouse au fond des yeux. Il se dit qu’elle n’avait rien perdu de son charme malgré le poids des ans. Elle était la femme qui lui avait donné le plus beau des fils, celui qui lui succéderait un jour sous le nom de Guillaume. Aujourd’hui, le chef viking était déterminé à lui céder cette belle terre franque qu’il était sur le point de conquérir.
— Une femme, me disais-tu ? répondit-il. Réfléchis avant de continuer à me parler ; il est des mots que l’on regrette et qui, une fois prononcés, ne peuvent plus être effacés.
Popa sentit ses
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