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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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cheval de trois pieds de haut et lui fait signer par écrit une déclaration : « Je demande six mois. » Aussitôt il triomphe. Comment l'Aaron de la Bible aurait-il pu modeler le Veau d'Or en une nuit? Pendant les quelques années qui lui restent à vivre, sans cesse il opposera naïvement Pigalle aux défenseurs du « texte sacré ».
    Dès qu'il a trouvé un tel sujet, il s'enferme et, pendant un jour et une nuit, écrit un article du Dictionnaire Philosophique, ou un dialogue, ou un pamphlet. Le lendemain, il est épuisé. Mais comment cesser d'agir, d'écrire, de construire, de lutter, de risquer? «La vie est un enfant qu'il faut bercer jusqu'à ce qu'il s'endorme. » Il est un infirme. Il l'a toujours été. Il y a quatre-vingts ans qu'il n'a plus qu'un instant à vivre et cet instant est terminé. Il est mourant. Peut-être même est-il mort. « Il a, dit un visiteur, oublié de se faire enterrer. »

XXI
    Le couronnement de Voltaire
    Pourquoi un vieillard de quatre-vingt-trois ans se décida-t-il à entreprendre le long et dangereux voyage de Ferney à Paris? «Aller à Paris, moi? s'écria-t-il. Sait-on qu'il y a dans cette ville quarante mille fagots pour me faire un bûcher ? - Mais savez-vous, répliquait l'ami qui l'exhortait au voyage, que vous avez à Paris quatre-vingt mille amis qui, accourant tous pour éteindre le feu, noieraient, si cela vous amusait, les porteurs de fagots ? »
    Tant que Louis XV avait vécu, ce retour avait été interdit. A l'avènement de Louis XVI, tous les ministres furent changés; on appela des hommes «éclairés et vertueux » comme Malesherbes et Turgot. Désormais Paris était ouvert à Voltaire. Les femmes de la maison, Mme Denis, Mme de Villette, le poussaient à partir. A Paris, le parti des Encyclopédistes souhaitait le voyage. Enfin, Voltaire venait d'écrire une tragédie, Irène, qu'il destinait à la Comédie-Française. Les comédiens ne s'entendaient pas. Irène allait en souffrir. Or, le succès d'Irène tenait au cœur de l'octogénaire. Il s'imagina que sa présence arrangerait tout. Il partit.
    Il traversa Ferney, assurant à ses villageois qui pleuraient qu'il serait de retour dans six semaines. Il pleura comme eux, puis, la dernière maison passée, devint très gai et fit mille contes. A Bourg, la foule le reconnut et le maître de poste lui donna ses meilleurs chevaux en disant à son postillon : « Va bon train, crève mes chevaux, je m'en fous, tu mènes Monsieur de Voltaire. » A Dijon, des jeunes gens de la ville se déguisèrent en valets pour le servir. A la barrière de Paris, les commis le reconnurent : « Monsieur de Voltaire », et le saluèrent avec respect, n'osant lui demander s'il apportait quelque contrebande. Un peu plus tard il arrivait au coin de la rue de Beaune et du quai qui s'appelle aujourd'hui quai Voltaire, dans l'hôtel de Mme de Villette. Et, tout de suite « en perruque du temps de la Régence, surmontée d'un bonnet de velours rouge bordé de fourrure », il alla rendre visite à M. d'Argental : « J' ai interrompu, lui dit-il, mon agonie pour venir vous embrasser. »
    Son arrivée agita Paris plus que celle d'un souverain. « Dans les promenades, dans les cafés, on ne parlait plus que de lui. Les hommes s'abordaient en se disant : "Il est ici. L'avez-vous vu ?" Bruits de guerre, intrigues de cour, querelles des Piccinistes et des Glückistes, tout était oublié. L'hôtel de Villette se remplit de visiteurs. L'Académie envoya une députation. La Comédie-Française vint en troupe. Voltaire recevait en robe de chambre et bonnet de nuit, puis retournait travailler aux corrections d'Irène. Mme de Polignac et Mme Necker, Gluck et Piccini vinrent rendre leur hommage. Benjamin Franklin amena son petit-fils et demanda pour lui la bénédiction de Voltaire. Le vieillard étendit sa main et dit : " God and Liberty." »
    La rencontre de Franklin et de Voltaire, la démocratieembrassant le déisme, c'est la Révolution qui commence. Partout où les deux hommes paraissent ensemble, « soit au spectacle, soit aux promenades, aux Académies, les battements de mains ne finissent plus. Voltaire éternue. Franklin dit : "Dieu vous bénisse !" et le train recommence. » Diderot vint et parla si bien que Voltaire ne put placer un mot. « Cet homme, dit-il, a de l'esprit assurément, mais la nature lui a refusé un talent essentiel : celui du dialogue. » Des ministres accoururent. Seule la Cour ne montra nulle faveur. Mais elle n'osa

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