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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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pas non plus renvoyer Voltaire à Ferney. Dans le Paris vibrant de ces journées, un acte imprudent eût marqué le commencement d'une émeute.
    Tandis qu'on le traitait en demi-dieu, son corps se chargeait de lui rappeler qu'il était mortel. Il cracha le sang. On lui proposa de faire venir un confesseur. Tout Paris guetta son attitude : elle fut ambiguë. Il craignait beaucoup d'être jeté à la voirie et demanda à se confesser publiquement, ainsi que cela se pratiquait aux premiers siècles de l'Eglise. L'abbé Gauthier s'y refusa et exigea une déclaration de ses sentiments religieux. Il ne la signa pas et congédia le confesseur en disant : « C'est assez pour aujourd'hui; n'ensanglantons pas la scène. » Pour lui, il était surtout inquiet des répétitions d 'Irène : « Il serait triste pour moi, disait-il, de n'être venu à Paris que pour être confessé et sifflé. »
    Irène ne fut pas sifflée, mais alla aux nues. Il écrivit à Frédéric II : « J'ai été occupé à éluder deux choses qui me poursuivaient dans Paris : les sifflets et la mort. Il est plaisant qu'à quatre-vingt-quatre ans j'aie échappé à deux maladies mortelles. »
    Il ne put assister à la première de sa tragédie mais, au moment de la sixième représentation, le 30 mars, se trouva bien assez rétabli pour sortir. La scène fut étonnante.Paris devint fou. Dans un carrosse bleu semé d'étoiles d'or, le vieux squelette en habit de velours bordé de fourrure, une petite canne à la main, traversa la ville. Toute l'Académie vint le recevoir sur le seuil, sauf les évêques. Dans la rue, une foule serrée criait : « Place à Voltaire ! » Des gardes vinrent le prendre au sortir de son carrosse et l'accompagnèrent jusqu'à sa loge. Quand il entra, les spectateurs se levèrent. On criait : « Vive Voltaire ! Gloire au défenseur de Calas ! Gloire à l'homme universel ! »
    Enfin, le public exigea que les comédiens lui portassent une couronne. Entre les deux pièces, le rideau se leva; sur la scène était une statue de Voltaire. Tous les acteurs et actrices défilèrent devant cette statue, mettant sur la tête des couronnes de laurier, et chaque fois la foule, debout, criait, tournée vers Voltaire : « C'est le public qui te la donne ! » Enfin la foule le ramena en triomphe jusqu'à l'hôtel de Villette. Les femmes le portaient presque dans leurs bras. « Vous voulez donc, Mesdames, disait-il, me faire mourir de bonheur. » Jamais écrivain n'avait reçu de tels hommages. Mais il gardait sa tête : « Quelle foule pour vous acclamer, lui disait-on. - Hélas ! répondait-il, elle serait aussi nombreuse pour assister à mon supplice. »
    Quelques semaines encore, il sortit dans la ville conquise. Dès qu'il était chez lui, il travaillait, disant qu'il avait peu de temps à vivre et qu'il devait mériter les honneurs que le public lui avait rendus. Enfin, le 11 mai, la fièvre le prit. Tronchin diagnostiqua un cancer de la prostate. Il souffrit beaucoup, délira. Les récits de sa mort sont contradictoires, chacun des partis, l'Eglise et les philosophes, ayant voulu s'en servir comme d'un exemple. Le curé de la paroisse lui refusa la sépulture et menaça, comme Voltaire l'avait craint,de le faire jeter à la voirie. On l'enterra donc en province, à Sellières, dont son neveu était abbé. Le cœur fut conservé à la Bibliothèque Nationale. Il y est encore.

XXII
    Épilogue et jugement
    Les existences qui ont fait un grand bruit sur la terre ne s'endorment pas tout de suite dans le silence du tombeau. L'allegretto brillant et dansant qu'avait été la vie de Voltaire ne pouvait se transformer brusquement en andante maestoso. Quelque temps encore ses amis royaux continuèrent de s'agiter. Frédéric II commanda son buste à Houdon. Catherine voulut acheter sa bibliothèque et la demanda par une lettre adressée à Mme Denis, « nièce d'un grand homme qui m'aimait un peu ».
    En France, une révolution qu'il n'eût pas approuvée (car il était conservateur et monarchiste), mais qu'il avait préparée, le traita en prophète. En 1791, l'Assemblée Constituante ordonna que les cendres de Voltaire fussent transportées au Panthéon.

    Ce fut un beau cortège en tête duquel Belle et Bonne, en robe à la grecque, pleurait. En 1814, au moment de la Première Restauration, le sarcophage fut profané dans des circonstances restées mystérieuses. On ne sait ce que sont devenus le léger squelette et les « os décharnés» qui,

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