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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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pendant plus de quatre-vingts ans, avaient supporté de leur frêle armature le génie mobile de Monsieur de Voltaire.
    Fut-il un grand caractère ? Il se moquait des Rois et il les flattait. Il prêchait aux Eglises le pardon des injures et il n'épargnait pas ses ennemis. Il était généreux et avare, franc et menteur, poltron et brave. Il avait la grand-peur des coups qui est naturelle aux êtres humains, mais il passait sa vie à se jeter dans des affaires où il pouvait recevoir des coups. Il était à Ferney comme un lièvre au gîte, mais comme un lièvre belliqueux et qui, dans la jungle politique, tenait parfois les lions en arrêt. Il eut toujours beaucoup de mal à résister à l'appât d'une affaire profitable, mais plus de mal encore à s'abstenir d'une bonne action dangereuse.
    Fut-il une grande intelligence ? Il ne comprit rien aux religions et n'eut pas la sagesse de voir que leur constante renaissance prouve un constant besoin de la nature humaine. Il confondit le christianisme avec ceux qui le déformaient. Curieux de tout, il savait plus d'histoire que les mathématiciens et plus de physique que les historiens. Il pliait facilement son génie à des disciplines très diverses. On peut penser que de tels esprits universels ne sont profonds sur aucun sujet et que, dans vulgariser, il y a vulgaire, mais cela même est une pensée peu profonde. Il faut bien que des synthèses soient faites de temps à autre et que des écrivains remâchent pour la masse des hommes le travail des spécialistes. Faute de quoi une brèche infranchissable se creuserait entre les techniciens et l'homme de la rue, ce qui serait un grand désordre. Outre que clair n'est pas synonyme de vulgaire, sauf peut-être en poésie, et c'est pourquoi Voltaire n'est poète que dans ses romans où il cesse d'être clair.
    Eut-il un grand cœur ? Le premier mouvement, chez lui, était toujours bon et généreux. On le vit bien quand il prit à sa charge Mlle Corneille. Il détestait la souffrance, non seulement pour lui mais pour les autres, et il a contribué à éviter aux hommes des souffrances affreuses et vaines. A un ami qui le surprenait lisant certains traits de l'histoire et les larmes aux yeux : « Ah ! disait-il, que les hommes ont été malheureux et qu'ils étaient à plaindre ! Et ils ne l'étaient que parce qu'ils étaient poltrons et sots. » Il fut rarement sot et ne fut jamais poltron quand il s'agit de combattre la torture et l'intolérance. « Oui, je rabâche, disait-il, c'est le privilège de mon âge et je rabâcherai jusqu'à ce que mes compatriotes soient corrigés de leur sottise. » On peut s'étonner qu'il ait été très indulgent pour la guerre qui est une forme de torture et l'une des pires, mais il vivait en un temps où les guerres étaient faites par des armées de métier, et par elles seules, ce qui était une méthode bien intelligente et relativement inoffensive.
    Pourquoi, parmi tous les philosophes du dix-huitième siècle, cet homme si peu philosophe est-il apparu comme le plus illustre ? C'est peut-être parce que, de ce siècle bourgeois et gentilhomme, universel et frivole, scientifique et mondain, européen et surtout français, classique et déjà teinté de romantisme, Voltaire, qui à lui seul a été tout cela, donne l'image la plus complète.
    Ajoutez qu'il était extrêmement français au sens où l'entendent les étrangers. Le reste de la planète a toujours aimé en France les écrivains qui, comme Voltaire ou comme Anatole France, expriment avec clarté, esprit et politesse, des idées simples. Ce particulier mélange n'est pas toute la France, mais il est une partie de la France et, dans les meilleurs des Français, il y a toujours un peu de lui. Ce fut grâce à Voltaire que le français,au dix-huitième siècle, fut, plus que jamais, la langue de l'Europe, et la gloire du langage, réfléchie par les miroirs des cours européennes, entoura d'un éclat surprenant le vieillard de Ferney.
    Enfin et surtout il a été merveilleusement vivant et les hommes, qui craignent l'ennui plus encore que l'inquiétude, sont reconnaissants à ceux qui les font vivre sur un rythme plus rapide et plus fort. Dans le déluge de brochures, d'épîtres, de romans, de poèmes et de lettres qui, de Cirey, de Berlin, de Ferney, s'est abattu sur la France pendant si longtemps, il y avait du trivial et de l'excellent. Mais tout était rapide, allègre et, aux petits violons de Monsieur de Voltaire, les

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