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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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laisse convaincre, et retourne avec moi pour donner la piécette complémentaire. Comme il y met de la bonne grâce j’offre de couvrir ce débours ; mais il refuse les cinquante centimes que je lui tends et, comme j’insiste, en fait cadeau à un enfant qui passe. Il est assez naturel que les indigènes, dont on ne paie que cinquante centimes un poulet, voient débarquer les blancs avec terreur {78} et ne fassent rien pour augmenter un commerce si peu rémunérateur.
    Nous rencontrons le Léon Blot, accosté près d’une petite île. À bord, nous voyons le vieux pilote qui jadis a guidé Gentil à travers le lac. Marc prend sa photo, et par enthousiasme, nous lui donnons un gros matabiche, qui lui fait venir le sourire aux lèvres et des larmes aux yeux.
    Le vieux, que nous avons emmené de force comme pilote, ne s’attendait évidemment à rien recevoir, car, lorsque je lui glisse un matabiche dans la main, son visage, renfrogné jusqu’alors, se détend. Je le plaisante sur son air maussade : il se met à rire, prend une de mes mains dans les deux siennes et la presse à maintes reprises avec une effusion émouvante. Quels braves gens ! Comme on les conquerrait vite ! et quel art diabolique, quelle persévérance dans l’incompréhension, quelle politique de haine et de mauvais vouloir il a fallu pour obtenir de quoi justifier les brutalités, les exactions et les sévices {79} .
    Sitôt que le vent s’élève, de gros paquets d’eau lavent le pont. On ne sait où se tenir.
     
    Je renonce à traduire Mark Rutherford. L’intérêt que j’y prends reste un peu trop particulier.
    Je plonge dans le Second Faust avec le plaisir le plus vif. Il me faut avouer que je ne l’avais encore jamais lu tout entier dans le texte.
     
    Les îles sont de plus en plus vastes et plus nettement hors de l’eau. Le sable paraît et s’élève faiblement en dune. En plus des papyrus, des roseaux et des faux baguenaudiers de la rive, on voit reparaître les mimosas et les palmiers doums. Mais, sur une île en particulier, pourquoi quantité de ceux-ci sont-ils morts ? Est-ce d’une mort naturelle ? et due à quoi ? Peut-être les indigènes les ont-ils incendiés à leur base, encombrée de vieilles feuilles qui rendaient inatteignables les fruits ?
    La quantité d’arbres morts ou mourants m’étonne depuis le début du voyage.
     
    Arrivée à Bol vers le milieu du jour.
    Étrange aspect des petits murs d’enceinte du poste ; crénelés, aux angles amollis, émoussés – tout cela pas plus haut qu’un homme, de sorte qu’on pourrait, de l’extérieur, presque passer la tête entre les créneaux ; couleur galette de maïs. Une voûte de petit fortin à l’extrémité droite ; rien à gauche.
    Le village est non loin sur la droite ; quelques cases misérables. Très peu d’habitants. À peu près tous, hommes et femmes, sont vêtus. Du sable, presque uniquement agrémenté par cette étrange plante gris-vert {80} dont enfin je puis voir le fruit : un beignet énorme, bivalve, tenant suspendu en son centre, au milieu d’une matière feutrée, filigranée, un paquet de graines. Celles-ci forment une cotte autour des duvets qui les coiffent et leur permettront de prendre l’essor. Rien de plus ingénieux et de plus bizarre. Les graines sont d’abord si étroitement juxtaposées, à la manière des tuiles d’un toit, que l’on ne soupçonne rien de ce duvet qu’elles protègent ; on ne voit d’abord qu’une carapace, une coque analogue d’aspect à celle des letchis. Dès qu’on presse cette coque, elle crève ; les graines se disjoignent, laissant paraître un trésor soyeux près duquel l’aigrette des pissenlits paraît terne, un émerveillement argenté qui tout aussitôt bouffe, foisonne, s’émancipe, et se prépare à se laisser emporter au premier souffle.
     
    Le sergent Bournet (extrêmement sympathique) est seul à diriger la subdivision de Bol. Nous l’invitons à dîner à bord. Il est ici depuis sept mois ; débordé de travail ; et pourtant il s’embête à mort. Le travail qu’on lui fait faire, qu’on exige de lui, est, dit-il, au-dessus de ses forces. Il n’y peut suffire ; il n’est pas préparé pour cela. Le voici plongé dans des écritures et des comptabilités compliquées, lui qui sait à peine lire et écrire. « Ce qu’un plus instruit que moi ferait en vingt minutes, me prend toute une matinée, nous dit-il. Songez donc que je ne suis qu’un simple

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