Will
lancinante, cependant, il restait stupéfait par la témérité des ruses
que ses amis avaient déployées pour le secourir. Ils avaient tout risqué pour
lui, et il avait du mal à contenir sa gratitude. « Mon cœur n’a pas assez
de mots pour vous remercier.
— J’aurais juste aimé que nous puissions venir plus
tôt, dit Siarles, qui rôdait près de Mérian.
— Et merci à toi, Siarles, répondit Will en saluant le
forestier. Ça me fait sacrément plaisir de te revoir. Dieu m’est témoin, je ne
vous ai pas reconnus. Bien sûr, j’avais autre chose en tête…
— Quand Bran nous a expliqué ce que nous allions faire,
je lui ai dit que ça ne marcherait jamais – nous ne pourrions jamais duper
les yeux perçants du shérif. » Il gloussa. « Mais Bran ne voulait
rien entendre. Il était déterminé à te récupérer au long nez et à la barbe des
Ffreincs. Nous sommes passés prendre frère Jago à Saint-Dyfrig, nous nous
sommes tous habillés comme des prêtres et – il sourit de plus belle –
nous voici. »
Iwan, qui montait la garde sur la petite tonnelle,
s’empressa de les rejoindre. « Ils reviennent, annonça-t-il. Tenez-vous
sur vos gardes. Nous ne sommes pas encore en sécurité. »
Après le concours de tir à l’arc, le père Dominique avait
remercié le comte et l’abbé pour leur inestimable hospitalité et leur avait
fait part de son désir de reprendre la route. En prenant congé du comte le
lendemain matin, il fut surpris d’apprendre que le comte avait décidé d’envoyer
une escorte de chevaliers et d’hommes d’armes pour les conduire sains et saufs
à leur navire aux docks d’Hamtun. Malgré les protestations de l’émissaire
papal, qui en aucune façon ne jugeait cela nécessaire, le comte – sa
propre détermination renforcée par l’insistance d’un shérif de plus en plus méfiant –
s’était refusé à laisser ses invités partir tout seuls. « C’est le moins
que je puisse faire pour notre Mère l’Église, insista-t-il. Si quoi que ce soit
vous arrivait sur la route – puisse le ciel l’empêcher ! –, je
ne me le pardonnerais jamais, d’autant qu’on peut si facilement
l’éviter. »
« Satanée mouche du coche, marmonna Iwan quand il fut
informé du plan. Aucun navire ne nous attend. Nous n’avons jamais mis les pieds
sur les docks d’Hamtun.
— Ils n’en savent rien, répliqua Bran. Faisons comme si
de rien n’était, nous les congédierons à la première occasion.
— Et si une telle occasion ne se présente pas ?
demanda Iwan. Que ferons-nous ?
— Nous pouvons toujours disparaître dans les bois.
Laisse-moi m’en occuper. Garde les yeux sur les soldats et reste en alerte. Si
quoi que ce soit tourne mal, je te veux prêt à défoncer quelques têtes.
— Oh, oui, convint Iwan d’un air sévère, si on en
arrive là, tu peux compter sur moi. »
Ils partirent avec le comte de Braose, le shérif de
Glanville et dix soldats normands – quatre chevaliers et six hommes
d’armes – censés les protéger du Roi Corbeau et de ses sbires hors-la-loi
qui hantaient la forêt et s’attaquaient aux voyageurs sans méfiance.
L’émissaire papal et son petit entourage – dame Ghisella et sa domestique,
frère Alfonso l’interprète et les deux frères lais – étaient donc escortés
par des Ffreincs lourdement armés. Extérieurement, ils n’avaient pas changé
d’un iota – joyeux, sinon calmes, et reconnaissants pour les largesses que
leurs hôtes on ne peut plus attentifs leur prodiguaient.
« Je me méfie du prêtre, avait dit le shérif comme la
petite troupe se préparait à partir. Il n’est pas plus ambassadeur du pape
Clément que mon cheval. Croyez-moi, on se joue de nous dans cette affaire, et
nous sommes des imbéciles si nous les laissons s’échapper.
— Vous avez peut-être raison, avait admis le comte de
Braose. Mais ne risquons pas une confrontation avant d’en être sûrs. De cette
manière, au moins, nous pourrons les surveiller de près.
— Soyez-en sûr, avait grondé le shérif. Le premier qui
me regarde de travers, je me le fais.
— Ne les contrariez pas, l’avait averti Falkes. Si la
moindre rumeur d’un mauvais traitement devait atteindre les oreilles de mon
oncle – sans parler du pape Clément –, nous serions épluchés et mis à
bouillir dans notre propre sang.
— Ne vous inquiétez pas, mon seigneur, avait répondu le
shérif. Je serai la courtoisie
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