Will
même avec nos estimés invités. Mais je vais les
surveiller – par la Croix, je ne vais pas me priver. »
Ainsi, une amabilité forcée, méfiante, s’était établie entre
les deux groupes. À cause de la petite diligence dans laquelle dame Ghisella et
sa domestique voyageaient, qui transportait les tentes dont l’émissaire et sa
compagnie faisaient usage, ils n’avançaient pas aussi vite que les Normands
semblaient le souhaiter. La nuit, ils faisaient camp séparé, chaque côté
surveillant l’autre, prudent et soupçonneux. Le seul moment où les étrangers
étaient en mesure de conférer ouvertement entre eux survenait à la tombée de la
nuit, quand les Ffreincs devaient enclore les chevaux ou établir la garde pour
la nuit.
Bran profitait de cette occasion pour passer parmi les
membres de sa volée, leur dire des mots d’encouragement et d’espoir. Il
s’excusa aussi auprès de son ami blessé et lui demanda son pardon. « Je
suis désolé, Will. C’est ma faute s’ils t’ont pris, ça me désole que tu aies eu
à souffrir à cause de moi.
— J’ai un peu souffert, c’est vrai, admit Will. Mais
Gwion Bach aurait souffert encore plus, je pense. Quand bien même, je vous
pardonne volontiers. Je mentirais si je vous disais que je n’ai pas eu de
mauvaises pensées en repensant à cette nuit-là, mais la vie continue. » Il
sourit. « Vous avez fait plus que vous rattraper en sauvant mon maigre cou
du nœud coulant. Et pour cela je vous remercie sincèrement, mon seigneur.
— Nous ne sommes pas encore hors de danger, dit Bran.
Tu ferais mieux d’attendre que nous ayons fait nos adieux à nos amis fureteurs
avant de me remercier.
— Quoi qu’il arrive, nous sommes quittes, mon seigneur.
Aucune rancœur. »
Le groupe endura encore quatre jours de surveillance
angoissante, jusqu’à ce qu’ils arrivent en vue du promontoire qui donnait sur
l’estuaire du fleuve à Hamtun.
« Et s’il n’y a aucun navire ? s’interrogea Iwan.
Que ferons-nous ?
— Tu devrais prier pour qu’il n’y en ait pas, remarqua
Siarles. Nous pouvons toujours leur dire qu’ils sont partis chercher des
réserves, ou quelque chose du genre. Les Ffreincs ne vont pas traîner des
siècles dans le coin pour nous voir partir.
— Et s’il y en a un ? demanda Iwan, manifestement
inquiet.
— Nous le prendrons, conclut Bran. De toute façon, ça
ne pourrait pas être plus simple. »
Aussi simples que fussent leurs choix, leur mise en œuvre
s’avéra légèrement plus compliquée. Quand, le lendemain, alors qu’ils
longeaient le promontoire et commençaient leur descente dans la vallée du
fleuve, ils aperçurent les docks sur le front de mer en aval de la ville, les
voyageurs découvrirent qu’il y avait bel et bien un navire amarré là – un
vaisseau large et robuste, construit pour faire traverser la mer à des hommes
et à des chevaux. Il avait précisément l’apparence d’un vaisseau que le
patriarche de Rome pourrait prévoir pour son ambassadeur personnel.
« Bon, tu as ton bateau, marmonna Iwan. Et
maintenant ? »
Bran jeta un coup d’œil alentour. Le soleil était bas et le
vent d’ouest se rafraîchissait. Le comte et le shérif avaient accéléré l’allure
pour se rapprocher, une expression de vive appréhension embrasant leurs yeux
vigilants. « Chevauche jusqu’au navire et sécurise-le. Prends Siarles et
Jago avec toi. Allez-y tout de suite, avant que les Ffreincs ne vous en
empêchent.
— Et que suggères-tu que je dise aux gens du
navire ?
— Dis-leur que l’ambassadeur du pape en a besoin.
Dis-leur que nous paierons notre passage. Dis-leur ce que tu veux, mais
sécurise-le et garde les marins hors de vue quand nous y arriverons. »
Avec une grimace de détermination, Iwan fit un signe à
Siarles et à Jago et tous trois partirent au galop. Se tournant vers Will,
Mérian et Cinnia, Bran se hâta de leur expliquer qu’ils devaient poursuivre
leur route en chariot et, une fois au navire, monter à bord comme si c’était
prévu depuis le début. « Quoi qu’il arrive, s’empressa-t-il d’ajouter,
vous deux descendrez sur le pont et vous y resterez. Mérian, dit-il en l’aidant
à descendre du chariot après avoir lui-même mis pied à terre, tu viens avec
moi. »
Depuis son siège dans le chariot, Will se retourna pour
jeter un dernier coup d’œil au shérif, puis il mit le cap sur le fleuve et la
liberté qui l’attendait.
Voyant les
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