Will
moines partir au galop, le comte Falkes et le
shérif chevauchèrent jusqu’au père Dominique pour lui demander des
explications. « Où vont-ils ? lui demanda de Glanville avec méfiance.
— Qué ? » répondit l’émissaire avec un
sourire d’incompréhension. Il fit un geste en direction du navire, secouant la
tête en tous sens comme pour leur signifier qu’ils étaient enfin arrivés et que
tout allait bien. Dame Ghisella, qui possédait quelques notions de français,
s’essaya à une explication. « Ils vont voir s’il est prêt à lever l’ancre,
répondit-elle.
— Vous avez l’intention de partir ce soir ?
demanda le comte.
— Mais bien sûr, répondit aimablement la dame. Son
Éminence désire partir immédiatement. »
Incapable de trouver quelque raison valable à y opposer, le
shérif se tourna vers le comte pour qu’il élève une objection.
« Vraiment ? dit Falkes sans conviction. Il va bientôt faire nuit.
— C’est ce que souhaite Son Éminence, répéta la dame,
comme si l’explication était suffisante.
— Bon, dit le shérif, nous allons vous accompagner pour
voir si tout va bien. » Il tira sur ses rênes et repartit. « Je vous
en prie, mon seigneur, dit dame Ghisella, ne vous dérangez pas pour cela.
— Mais ça ne me dérange pas du tout, ma dame, répondit
le comte. Si quoi que ce soit vous arrivait pendant que vous êtes sous notre
garde…» Il laissa sa phrase inachevée. « N’ayez crainte, poursuivit-il
avec un rire forcé, légèrement condescendant, nous ferons en sorte que vous
arriviez sains et saufs à bord. Nous ne pouvons faire moins pour le confident
personnel du pape.
— Quel soulagement, répondit sèchement Ghisella. Je le
dirai à Son Éminence. »
Même si parler au Ffreinc la mettait mal à l’aise, sa
réserve et ses manières royales faisaient beaucoup pour apaiser les soupçons du
comte. Et l’attirance qu’il ressentait pour elle en dépit de son physique
difficile favorisait sa bonne disposition à son égard. Elle relaya les
sentiments du comte au père Dominique, qui hocha la tête en signe
d’approbation. « Qu’allons-nous faire ? demanda-t-elle à voix basse.
— On serre les dents et on reste optimistes, lui
répondit Bran. Remercie-les, et allons-y. »
Elle sourit, révélant ses mauvaises dents. « Son
Éminence est ravie de votre diligence et de vos bons soins. Il en parlera à Sa
Sainteté.
— Tout le plaisir est pour nous, ma dame, répondit le
comte.
— Ils sont en train de nous échapper, et nous restons
assis ici à échanger des plaisanteries, marmonna le shérif. Je n’aime pas ça.
— Je ne peux pas les empêcher de partir, ils n’ont rien
fait de mal.
— Toute cette affaire sent mauvais !
— Dans ce cas, trouvez un moyen de les arrêter si vous
le pouvez, dit le comte Falkes. Mais faites vite, ou ils seront partis avec la
marée. »
Les voyageurs repartirent, descendant la route étroite qui
menait jusqu’à la vallée, traversant sans s’y arrêter la ville – laquelle
se résumait à une seule route boueuse bordée de sombres constructions
basses –, pour se rendre directement au grand quai de bois où le navire
était amarré. Tout semblait tranquille à bord du vaisseau – ni cri ni
hurlement, pas la moindre trace de lutte ou de combat –, mais pas un signe
d’Iwan ou de quiconque. Bran, qui sentait son estomac se serrer un peu plus à
chaque pas, pria pour qu’ils aient au moins réussi à fuir. Alors qu’ils approchaient
du dock, apparut sur le pont un homme vêtu d’une casquette rouge et d’une
tunique marron qui lui arrivait aux genoux. Il était pieds nus, et tenait une
corde nouée dans la main. Il parcourut promptement le quai des yeux, puis se
hâta d’aller accueillir les nouveaux arrivants. « Mes seigneurs !
Ma dame ! Soyez les bienvenus ici. S’il vous plaît, montez à bord et
mettez-vous à l’aise. Tout est prêt !* »
À ces mots, les Français se turent, frappés de stupeur. Dame
Ghisella eut un petit hoquet de plaisir.
« Par tous les saints et les anges ! chuchota
Bran. Qu’a-t-il dit ?
— Nous sommes les bienvenus à bord, lui expliqua
Mérian. Il dit que tout est prêt pour nous.
— Pierre et Paul sur un âne ! Comment ont-ils
accompli cela ? » Avant qu’elle puisse répondre, il ajouta :
« Dépêche-toi de monter à bord. Renvoie-moi Jago pour m’aider à me
débarrasser de nos amis ici présents,
Weitere Kostenlose Bücher