Will
s’effondra à
genoux, gémissant et luttant pour rester conscient.
« Voilà, dit de Glanville avec un hochement de tête
satisfait. À présent, nous n’aurons pas de mauvaise surprise. »
Le condamné releva la tête et foudroya le shérif du regard,
ses lèvres articulant une malédiction silencieuse tandis qu’il tenait ses
doigts mal en point contre sa poitrine, les yeux ruisselants de larmes.
On le remit sur ses pieds sans ménagement, puis deux
chevaliers le conduisirent au centre de la place. Là, tenant debout du mieux
qu’il le pouvait, tremblant sous l’effort, il lutta pour s’empêcher de pleurer,
autant sous l’effet de l’humiliation que de la douleur.
Pendant que Will essayait de reprendre quelque contenance,
le marshal Guy de Gysburne fit son apparition avec un arc long et un faisceau
de flèches. La vue de l’arc emplit Will d’un sombre désespoir. Devant lui se
trouvait l’instrument de son salut, à présent inutile du fait de l’odieux
stratagème du shérif. Il ne pouvait pas plus tirer à l’arc avec les doigts
cassés qu’il n’aurait pu traverser la mer à pied jusqu’en Irlande.
Mais que se passait-il ? Guy était en train de tendre
l’arc au grand prêtre vêtu de noir.
S’obligeant à nier la douleur, Will se concentra de toutes
ses forces sur ce que l’on disait autour de lui. Étant donné que les
instructions du marshal devaient être répétées à l’intention du prêtre
étranger, il pourrait se faire une idée de ce qui se tramait. Ils allaient
devoir tirer trois flèches à tour de rôle, et le plus proche de la cible serait
déclaré vainqueur. D’un signe, le prêtre confirma qu’il comprenait et acceptait
les termes du concours ; personne ne demanda à Will si lui comprenait, ou acceptait quoi que ce soit.
Puis, tandis qu’un homme de paille construit à la hâte était
posté à une centaine de pas de l’estrade, les deux concurrents allèrent prendre
place, suivis par toute une foule de spectateurs excités. Deux soldats
encadraient Will, surveillant chacun de ses gestes. Guy, qui supervisait le
concours, tendit l’arc au prêtre en lui disant : « Vous utiliserez
tous deux le même arc, Votre Éminence. Voici l’arme. »
Le jeune prêtre accepta l’arc, puis testa la corde et le
bois avec hésitation : le dos raide, les épaules de guingois, ses gestes,
bien que pas tout à fait maladroits, ne dénotaient pas une grande confiance en
son habileté. Malgré la douleur, Will ne manqua pas de s’en apercevoir, et cela
déclencha un sursaut d’espoir dans son cœur affligé.
Ce même espoir fit un bond quand le prêtre se tourna vers
lui et lui tendit l’arc pour qu’il l’essaie à son tour. « Merci à
vous », marmonna Will à travers ses dents serrées.
Bien qu’il n’eût pas tenu un arc depuis un bon bout de
temps, Will estima l’instrument assez bien équilibré ; mais la tension,
qu’il testa avec son pouce, était beaucoup trop faible. À l’évidence, c’était
un jouet que les Ffreincs avaient soit fabriqué eux-mêmes, soit trouvé quelque
part, mais ce n’était pas un arc de guerre gallois. Il pouvait néanmoins servir
pour un simple concours – si tous deux devaient l’utiliser, aucun des
adversaires ne serait avantagé.
Will tendit l’arc à l’ecclésiastique, qui tout sourire le
refusa. Prenant une flèche des mains de Guy, il la donna au captif puis recula
pour lui laisser l’honneur de tirer en premier.
En sueur à présent, la mâchoire si serrée qu’il avait
l’impression que ses dents allaient voler en éclats, Will essaya d’encocher le
projectile. Mais ses doigts blessés ne lui obéissaient plus, la flèche glissa
de sa prise et tomba à ses pieds. En un instant, le prêtre accourut pour la lui
rendre. Avec un geste théâtral de la main et un sourire à l’adresse du shérif
et du marshal Guy, qui ne faisaient rien pour dissimuler leur mécontentement,
l’émissaire indiqua qu’il laissait au condamné une autre chance de tirer.
Will, avec le plus grand mal, réussit finalement à appliquer
la flèche à la corde de l’arc et à l’y maintenir de sa main gauche tandis qu’il
essayait de donner à ses doigts gonflés un semblant de prise d’archer.
Transpirant à grosses gouttes, tremblant sous l’effort, il parvint à peine à
tendre la corde et à bander son arc. La flèche s’en fut sans conviction,
décrivit une courbe molle et alla se planter dans le gazon, bien loin
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