Will
de marins. Sous la direction de Ruprecht,
ils ont commencé à tirer les cordes, à sortir les perches et, en moins de temps
qu’il n’en faut pour le dire, nous étions partis, laissant les Ffreincs debout
sur le rivage, bouche bée, ahuris par la promptitude de notre départ. Le
navire, délesté de toute cargaison, s’est enfoncé plus loin dans le canal, la
marée l’a soulevé et emporté au loin. Voyant les docks et la ville d’Hamtun
rapetisser derrière nous, nous avons éclaté de rire. Nous étions si soulagés de
nous être débarrassés de ces traîtres ffreincs que nous avons ri jusqu’à ce que
des larmes ruissellent sur nos joues.
Nous avons fait route pour Lundein, cabotant le long de la
côte avant de remonter la large Tamise jusqu’à la Tour Blanche – un bien
beau bâtiment, pour sûr, resplendissant, une espèce d’énorme corne dressée sur
la rive du fleuve boueux. Mais à peine avions-nous jeté l’ancre que nous avons
appris que le roi n’était pas en Angleterre. « Parti en France », a
dit le batelier de l’embarcation que nous avions fait venir pour nous conduire
à terre. Il a compté les jours sur ses doigts. « Une semaine ou plus, à
peu près.
— Vous en êtes sûr ? lui a demandé Jago.
— Montrez-lui ceci, a dit Bran en lui tendant un penny
d’argent. Donnez-le-lui s’il répond bien. »
Jago a pressé l’homme de questions, puis s’est déclaré
satisfait : l’homme disait la vérité. Il lui a lancé la pièce. « Que
désirez-vous faire, mon seigneur ?
— Nous n’avons pas le choix. » Voyant la vive
lueur dans son œil, je savais qu’il avait déjà pris sa décision.
Mérian l’a vue, elle aussi. « Tu veux… ?
Impossible !
— Pourquoi pas ? J’y ai bien réfléchi, et plus tôt
nous dévoilerons le pot aux roses, plus tôt nous pourrons reconquérir l'Elfael.
— De quoi parles-tu ? » a demandé Iwan.
Bran a pivoté sur lui-même. « Maître Ruprecht !
Larguez les amarres et faites voile sur la France !
— La France ! s’est étouffé Iwan. Je ne mettrai
pas un pied au-delà de la marque de marée haute sur la simple parole d’un
Anglais.
— Du calme, mon ami, l’ai-je averti avec un sourire.
Nous autres, Anglais, sommes parfois susceptibles quand notre honneur est remis
en cause. »
Iwan éventait l’air dans ma direction avec sa main.
« Tu vois très bien ce que je veux dire.
— Il marque un point, a fait remarquer Siarles. La
France n’est pas petite, si j’en crois ce qu’on m’a dit.
— Et pleine de Ffreincs, ai-je ajouté.
— Et ce serait bien de savoir où nous allons si nous
projetons de rencontrer William le Rouge. »
Bran en a convenu. En compagnie de frère Jago, il est allé
ordonner à Ruprecht d’engager des hommes pour armer le navire et d’acheter
autant de provisions que nécessaire pour un voyage en France, puis tous deux
sont montés à bord de la petite embarcation pour se rendre à terre et si
possible découvrir où était allé le roi. Nous autres nous sommes bientôt
retrouvés à arrimer les provisions et le fourrage pour les chevaux, puis à
transporter l’eau à bord. Eu égard au statut d’ambassadeurs papaux de ses
passagers, le capitaine du navire a également acheté un tonneau de vin, deux
d’ale, ainsi qu’un baril de hareng fumé, deux sacs de pommes, quatre poulets vivants,
deux canards et un panier d’œufs – tout cela, il l’a déniché à moindre
prix sur les bateaux marchands qui voguaient sur le large fleuve, tirant
ensuite les divers tonneaux, caisses et cages par-dessus le bastingage. Puis il
est parti en quête de marins pour faire le voyage avec nous. Pendant son
absence, nous avons arrimé tout le chargement dans les petites pièces situées
sous le pont et avons attendu le retour de Bran et de Jago.
Nous avons attendu longtemps, nous occupant à regarder le
fleuve baisser de plus en plus à mesure que la marée refluait. Le soleil avait
disparu en dessous de l’horizon, et Iwan se retenait de nager jusqu’à terre
pour prendre la tour d’assaut, tant il était persuadé que Bran et Jago avaient
été faits prisonniers, quand Mérian a crié : « Là ! Ils
arrivent ! »
Effectivement, ils étaient déjà en train de voguer en
direction de la Dame Havik. Quelques instants plus tard, nous les
tirions à bord. Nous nous sommes rassemblés autour d’eux pour entendre ce
qu’ils avaient appris à terre.
« Le roi est allé
Weitere Kostenlose Bücher