Will
sa
main sur l’épaule du prêtre. « Frère Alfonso sait quoi dire.
— Et si quelqu’un nous demande quelque chose ? a
demandé Siarles, loin d’être convaincu par cette tournure de l’entreprise.
— Fais semblant de ne pas parler français », lui ai-je
dit.
Les autres ont éclaté de rire, mais Siarles, Dieu le
bénisse, n’a pas saisi l’allusion. « Mais je ne parle pas un mot de
français, a-t-il insisté, plein d’inquiétude.
— Alors tu ne devrais pas avoir de mal à faire
semblant », a pépié Mérian avec entrain. Elle s’est tapoté les cheveux
pour étaler les cendres qui les grisonnaient, puis elle a sorti les petites
dents en bois qui faisaient partie de son déguisement et les a glissées dans sa
bouche – elles faisaient légèrement saillir sa mâchoire, donnant à son
visage une apparence plus vieille, bien moins attirante.
Bran et les autres ont ajusté leur robe de moine et se sont
entraînés à paraître dévots. Je n’avais aucun déguisement, mais puisque
personne en France ne m’avait jamais vu, cela ne semblait guère avoir
d’importance. Debout dans la cour détrempée de pluie du palais de l’archevêque
de Rouen, frère Jago a alors dit une prière pour le succès du plan que nous
nous apprêtions à mettre en branle, pour que nous évitions toute effusion de
sang et que nos actes conduisent à restaurer l’autorité légitime de l’Elfael.
Cela fait, Bran nous a regardés chacun à tour de rôle, de la
tête aux pieds. Satisfait, il a dit : « La chute du baron de Braose
est en marche, mes amis. Non pas à cause de nous, mais de son propre
fait. » Il a souri. « Venez, allons faire tout notre possible pour
hâter sa fin. »
CHAPITRE 42
Nous avons été accueillis comme des mendiants par le portier
de l’archevêque, qui a commencé par nous prendre pour des Anglais. Malgré ses
doutes, cependant, il était bien forcé de croire Bran sur parole. Car sur le
seuil se tenait un légat du pape accompagné de ses domestiques et conseillers.
Que pouvait-il faire, sinon nous laisser entrer ?
Il nous a conduits jusqu’à une petite pièce de réception
pour nous faire attendre le temps qu’on daigne s’occuper de nous. Il n’y avait
pas la moindre chaise à l’intérieur, ni feu dans le foyer, et la table contre
le mur était désespérément vide. À l’évidence, ce n’était pas une pièce
utilisée pour recevoir des visiteurs, attendus ou non.
« Pax vobiscum, a dit un ecclésiastique aux yeux
vifs, court sur pattes dans sa robe blanche. Bona in sanctus nomen.
— Pax vobiscum », a répondu Bran. Il a fait
un signe de tête à frère Jago, qui s’est avancé et, après une petite révérence,
a commencé à traduire pour le père Dominique et ses compagnons.
L’homme se prénommait Laurent, chanoine et assistant
principal de l’archevêque Bonne-Âme. « Sa Grâce m’a demandé de vous
exprimer ses regrets, il n’est pas en mesure de vous accueillir en personne.
Votre arrivée nous prend au dépourvu, en une période, ma foi, fort mouvementée.
Je vous prie d’accepter par avance nos excuses si nous ne pouvons vous donner
l’hospitalité qui vous est due, et que nous aurions eu plaisir à vous offrir
dans des circonstances plus ordinaires. »
Le prêtre était aussi glissant qu’une anguille dans de
l’huile, mais sous sa courtoisie maniérée, je sentais un esprit loyal et droit.
« En quoi puis-je vous être utile ? a-t-il ajouté en cachant ses bras
dans les manches de sa robe.
— Nous sommes porteurs d’un message important de sa
sainteté le pape pour le roi William.
— Vraiment. » Le chanoine a haussé les sourcils.
« Peut-être que si vous m’en disiez davantage, je pourrais vous être de
quelque utilité.
— Notre message est pour le roi seul, lui a expliqué
Bran par l’intermédiaire de Jago. Mais je ne doute pas que Sa Majesté vous
expliquera tout en temps voulu, à la manière de son choix. Si vous voulez bien
l’informer que nous attendons, nous vous en serions infiniment redevables. »
C’était assez clair. Incapable de soutirer davantage de
notre Bran par ses cajoleries, le chanoine a rendu les armes et promis de
transmettre notre demande au roi. « Si vous le souhaitez, je peux prendre
des dispositions pour que vous patientiez dans un lieu plus confortable »,
a-t-il proposé.
Jago l’a remercié. « Ce ne sera pas nécessaire. Mais si
vous pouviez nous faire apporter
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