Will
enfermés dans un enclos à proximité de la route. Nous faisions
confiance à la neige fouettée par le vent pour effacer toutes les traces de
notre passage. Nous restions en alerte au cas où le shérif et sa troupe galeuse
montreraient leur nez, mais ne voyant pas l’ombre d’un cheveu, nous avons
prestement accompli notre tâche. Les chariots, nous les avons démontés là où
ils étaient, ne gardant que les roues et les garnissages en fer ; les
animaux allaient nous être plus utiles, c’est certain. On en garderait un pour
tirer la charrue au printemps ; les autres, on les donnerait aux fermiers
de la région pour remplacer ceux que les Ffreincs avaient tués ou emportés, ou
que sais-je encore.
C’était pareil avec l’argent. Bran n’a pas gardé ce qu’il
avait récupéré du guet-apens, il l’a partagé entre les gens de son royaume,
pour aider ceux qui en avaient le plus besoin – et il y en avait en
abondance, je peux vous le dire. Car les Normands se trouvaient sur le sol de
l’Elfael depuis déjà deux ans, et aussi terrible que cela avait pu être au
début, c’était bien pire à présent – il ne faut jamais s’attendre à mieux
avec cette bande infernale. Donc on a distribué l’argent, et ceux qui le
recevaient bénissaient le Roi Corbeau et ses hommes.
Oh, mais ce grand anneau d’or commençait à peser lourd sur
la mince lanière autour du cou princier de Bran. Il valait la rançon d’un roi,
et nous éprouvions tous la peur secrète qu’un jour le Roi Rouge en personne
vienne à sa recherche avec une armée. Nous nous rongions les sangs à ce sujet
quand frère Tuck s’est manifesté.
J’avais entendu son nom ici et là, et quelques petites
choses à son propos – comment il avait aidé Bran lors de ses transactions
avec le roi et le cardinal, par exemple. Mais tout cela ne m’avait préparé en
rien à ma rencontre avec l’homme lui-même. Mi-diablotin, mi-malotru, mi-ange –
frère Tuck.
Son arrivée a été annoncée de la façon ordinaire : une
des sentinelles a imité le sifflement strident d’une marouette pour avertir le
Grellon que quelqu’un approchait et que ce visiteur était le bienvenu. Un
intrus aurait supposé un appel très différent. Pour les rares personnes
autorisées à aller et venir à leur gré, c’était un simple petit sifflet
montant. Donc, nous avons entendu le signal, les gens ont stoppé leurs
activités et se sont tournés vers le chêne pour voir qui allait apparaître
derrière la haie. Quelques instants plus tard, un petit homme boulot roulait le
long du talus, son visage rougeaud ruisselant de transpiration en dépit de la
fraîcheur ambiante, l’ourlet de sa robe coincé dans sa ceinture pour empêcher
celle-ci de traîner dans la neige.
« Joyeux Noël ! s’est-il écrié quand il a vu tous
ces gens se bousculer pour l’accueillir. Comme c’est bon de te revoir,
Iwan ! Siarles ! Gaenor, Teleri, Henwydd ! » Il a crié les
noms de tous les gens qu’il connaissait. « Comme c’est bon de vous
revoir ! Que la paix du Seigneur soit avec vous tous !
— Tuck ! a hurlé Siarles en se précipitant sur lui
pour l’accueillir. Bienvenue ! Avec toute cette neige, nous ne pensions
pas te revoir avant le printemps.
— Et où devrais-je être à la saison du Christ, sinon
avec mes chers amis ?
— Aucun sac cette fois ?
— Un sac ? J’ai apporté la moitié d’Hereford avec
moi ! » Il a fait un vague geste en direction de la piste.
« J’ai un mulet de somme avec moi. Rhoddi m’a croisé sur la route et m’a envoyé
devant. »
Bran et Mérian ont alors fait leur apparition, et Angharad
n’était pas loin derrière. Le petit frère a été accueilli avec des rires et une
sincère affection ; j’y ai entrevu un peu du respect et de la haute
considération dont ce moine pouvait s’enorgueillir parmi le Grellon. Le roi
d’Angleterre devait recevoir semblable adulation lors de ses voyages, j’en suis
sûr, mais bien peu de cette affection.
« Dieu soit avec vous, mon frère, a dit Mérian en
s’avançant pour bénir notre visiteur. Que votre séjour ici vous soit
profitable. » Elle a souri et s’est penchée pour déposer un baiser sur sa
joue. Puis, prenant la chair rouge et ronde entre le pouce et l’index, elle l’a
pincée. « Ça, c’est pour être parti la dernière fois sans me dire au
revoir !
— Une erreur que je ne commettrai pas deux fois »,
a répondu Tuck en se
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