11 Septembre... 1973
troupes ont quitté la
ville de Los Andes en direction de Santiago. La Marine a également levé
l'ancre. Officiellement, elle doit participer à des manoeuvres dans les eaux du
Pacifique, aux côtés des forces américaines, dans le cadre de "l'Opération
unitas". Depuis le Bureau de radiodiffusion du palais de la Moneda, René
Largo Farías [31] transmet à Allende un rapport envoyé de la ville d'Aconcagua : "Des
troupes se déplacent depuis les casernes de Los Angeles et de San Felipe".
Allende prévient aussitôt le ministre de la Défense, Orlando Letelier, qui
appelle le général Herman Brady, commandant de la garnison de Santiago. Ce
dernier répond que ces troupes sont destinées à prévenir de possibles
débordements suite à la levée de l'immunité du sénateur Carlos Altamirano et du
député Oscar Guillermo Garreton, impliqués dans une tentative de mutinerie des
sous-officiers de la Marine.
L'épouse d'Allende, Hortensia Bussi, vient de
rentrer de voyage avec leur fille Isabel. "Je revenais du Mexique où nous
étions allés porter assistance aux victimes d'une catastrophe, raconte-t-elle.
Nous flairions le coup. Nous ne savions pas quand il aurait lieu, mais nous
savions qu'il était imminent. J'avais hésité à partir à cause de cela. Mais
Salvador avait insisté, en expliquant que le président (mexicain) Luis
Echeverria avait envoyé son épouse lors du séisme qui avait eu pour épicentre
la cinquième région (du Chili). Alors, j'étais partie. Au retour, Salvador
m'attendait à l'aéroport. Je l'ai trouvé très tendu. Un rien l'irritait. Il m'a
dit plus d'une fois : "On me sortira en pyjama de bois du palais de la
Moneda, mais je ne vais ni me rendre, ni quitter le pays à bord d'un avion [32] !"
A 4 heures 30, à Santiago, un petit groupe de
soldats entre en action dans une maison de la rue Sanchez Fontecilla, au
domicile du commandant en chef de la Marine, l'amiral Raul Montero, qui ne sait
pas encore qu'il a été déposé par ses anciens subordonnés. Les soldats coupent
ses lignes téléphoniques et neutralisent son automobile. Au même moment, les
conjurés décident d'utiliser la base de Tacna comme centre de détention.
À 6 heures 30, les policiers font chauffer les
moteurs de leurs véhicules et, quinze minutes plus tard, à Conception,
l'aviation est déjà opérationnelle. Un premier groupe de bombardiers se prépare
à dé coller à 7 heures 30 pour détruire les antennes des stations de
radiodiffusion de Santiago et survoler la ville.
À Tomas Moro, Allende est réveillé. Il sait que
des événements se produisent à Valparaiso. L'"Opération unitas" n'a
été qu'une mise en scène. La Marine est revenue et bloque le port de la ville,
occupée par les militaires.
À 7 heures 25, quatre Hawker Hunter
décollent de la base de Conception, en direction de Santiago.
Allende quitte Tomas Moro pour rallier à toute
vitesse le palais de la Moneda. Il est accompagné par un petit cercle de fidèles,
dont plusieurs membres du Groupe d'amis personnels [33] .
Ces derniers disposent de 6 mitraillettes Aka, que leur a offertes Fidel
Castro. La femme d'Allende reste sous protection à Tomas Moro.
À 7 heures 30, Letelier arrive au ministère de la
Défense, où son adjoint, le lieutenant-colonel Sergio Gonzalez, l'informe qu'il
n'est plus ministre. Letelier est immédiatement arrêté et transféré à Tacna. Il
devient ainsi le premier détenu du 11 septembre.
À 7 heures 40, Pinochet arrive à Penalolen où il a
établi le Haut commandement militaire.
À 7 heures 55, Allende prononce une première
allocution à l'antenne de Radio Corporacion : "Je souhaite que les
travailleurs soient attentifs, vigilants et qu'ils évitent les provocations. En
premier lieu, nous devons attendre la réponse, que j'espère positive, des
soldats de la Patrie qui ont juré de défendre le régime établi". Prats
entend, consterné, la déclaration d'Allende depuis l'appartement de son ami le
général Ervaldo Rodriguez, attaché militaire à Washington.
À 8 heures 15, Allende s'adresse une nouvelle fois
au pays. Il espère, à tort, que le soulèvement est limité à la Marine, à
Valparaiso, et que la concentration massive des travailleurs dans les usines
occupées fera reculer les putschistes. Quelques minutes plus tard, l'émetteur
de Radio Corporacion est détruit par un raid aérien.
À
8 heures 40, la première proclamation putschiste est lue par le
lieutenant-colonel Roberto Guillard sur
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