11 Septembre... 1973
de l'acte d'Indépendance du Chili, un parchemin signé par
les libérateurs O'Higgins, Zenteno et la première junte de gouvernement [35] .
On parvient à sauver le document, qui est confié à La Payita. Allende
demande à l'un de ses conseillers, l'avocat Joan Garces, de partir parce
que "quelqu'un doit raconter ce qui s'est passé ici [36] ".
Au même moment, comme l'ont révélé les recherches
de la journaliste chilienne Patricia Verdugo, Pinochet converse par radio avec
le vice-amiral Patricio Carvajal, installé au ministère de la Défense :
"- Pinochet : Reddition sans condition, rien à négocier... Reddition sans condition !
- Carvajal : Bien, compris. Reddition sans
condition puis on l'emprisonne, en lui proposant de lui laisser la vie sauve,
disons.
- Pinochet : La vie et on le... Son intégrité
physique et on l'expédie immédiatement ailleurs.
- Carvajal : D'accord. Déjà... Disons qu'on
maintient l'offre de le faire sortir du pays.
- Pinochet : On maintient l'offre de le faire
sortir du pays... Mais l'avion tombe, mon vieux, une fois en vol !
- Carvajal : D'accord. Hé, hé (il rit)...
D'accord. Nous allons faire en sorte que les discussions aboutissent [37] ".
À l'intérieur de la Moneda, Augusto Olivares,
conseiller et ami d'Allende se suicide d'une balle dans la tempe. Sur l'ordre
du président, les derniers survivants se rendent. Alors qu'ils sortent, Allende
s'introduit dans le salon de l'Indépendance. Il ferme la porte, s'assied sur le
sofa, enlève son masque à gaz, son casque et ses lunettes, qu'il pose par
terre. Puis il pointe son arme sur son menton. C'est à ce moment que le médecin
de la Moneda, Patricio Guijon, l'aperçoit par la porte entrouverte :
"C'était déconcertant, parce qu'il s'est assis au moment de tirer. Ce que
j'ai vu, en réalité, c'est la poussée vers le haut provoquée par l'impact. Je suis
immédiatement entré et je lui ai pris le pouls : il était mort. Il n'avait plus
de boîte crânienne... Sa tête avait explosé [38] ".
Les putschistes entrent dans le palais, sous la
conduite du général Palacios. Tout d'abord, ils n'identifient pas le cadavre
d'Allende, mais ils finissent par le reconnaître grâce à sa montre. Palacios
envoie immédiatement un message au général Nuno : "Mission accomplie. La
Moneda est prise...".
Les survivants sont évacués par la rue Morande 80.
Ils sont maltraités par les soldats. L'un de ces derniers ordonne à La
Payita d'enlever son pardessus. Il lui arrache le parchemin qu'elle
dissimule. Il le détruit sans écouter La Payita qui lui crie de ne pas
le faire, car il s'agit de l'acte d'Indépendance.
En apprenant la mort d'Allende, Pinochet s'écrie :
"Qu'ils le mettent dans une boîte et qu'ils l'embarquent dans un avion,
avec sa famille. Qu'ils fassent l'enterrement ailleurs, à Cuba ! Sinon, il y
aura trop de bruit autour de l'enterrement. Même pour mourir, il a fait des
problèmes celui-là !".
Plusieurs années après, le général Palacios a
confié l'impression qu'il avait eue en découvrant Allende : "Il s'est
suicidé avec la mitraillette que lui avait donnée Fidel Castro. Je l'ai eue
entre mes mains. Il a été très courageux, très viril. Il faut le reconnaître.
Il avait dit qu'il ne céderait pas le commandement, quoi qu'il en coûtât.
C'était un excellent tireur. Avant d'entrer dans le palais, je le voyais quand
il se montrait à la fenêtre. De temps à autre, il sortait la mitraillette et il
tirait. Je crois qu'il ne lui restait pas d'autre solution. On lui a proposé de
partir en avion, mais il n'a pas voulu. C'était ce qu'il avait de mieux à
faire. Il est devenu un héros chez les socialistes. En outre, quel fardeau il
aurait représenté pour le gouvernement militaire ! Que faisait-on de ce
Monsieur, où l'envoyer ? Il aurait formé un gouvernement en exil [39] !".
Le général Arellano tente d'appeler les pompiers
juste après la bataille pour éteindre l'incendie de la Moneda, espérant ainsi
sauver la Chancellerie, qui contient des tableaux et des objets d'art de grande
valeur, mais Pinochet s'y oppose. "Pourquoi appeler les pompiers ?, lui
crie le dictateur. Laisse brûler toute la Moneda pour qu'il ne reste plus de
trace de l'Unité populaire !".
Les soldats ont plaqué leurs prisonniers au sol.
Ils les frappent. Même les pompiers s'acharnent sur eux, les piétinant au
passage. Un survivant, David Garrido, raconte : "Depuis le sol, j'ai vu
venir un char. J'ai entendu
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