11 Septembre... 1973
à
cacher les terroristes cubains impliqués dans l'opération. Le chef de la DINA,
Manuel Contreras, est également mis en cause. Accusé d'être le
"cerveau" de l'opération, il finit par être condamné au Chili le 30
mai 1995 à 7 ans de prison. L'enquête révèle que la DINA avait envisagé
d'assassiner Letelier en utilisant un gaz de son invention, le gaz sarin,
qu'elle avait développé au Chili et testé dans ses centres de torture.
L'existence de ce terrifiant plan régional est
aussi attestée par une demande d'informations envoyée le 31 juillet 1978 par
l'ambassade du Chili à Buenos Aires au ministère argentin des Relations
extérieures et rédigée en ces termes : "Nous nous permettons de solliciter
votre collaboration afin de connaître la situation des Chiliens nommés sur la
liste ci-jointe, lesquels auraient, selon leurs familles, disparu en Argentine.
Dans la mesure où les recherches effectuées par le Consulat général et la
police sont restées infructueuses à ce jour, l'ambassade remercie le ministère
des Relations extérieures d'intervenir afin d'établir le plus rapidement
possible le sort des Chiliens en question, pour pouvoir répondre à la juste
préoccupation des familles". A ce courrier est jointe la "liste des
Chiliens dont la disparition a été déclarée par leurs familles au Consulat
général du Chili".
Ce document n'est qu'une mise en scène, destinée à
donner une apparence de justice. Car le sort des "disparus" a été
décidé en amont et il est parfaitement connu des autorités chiliennes, comme le
révèle l'étonnante précision de la requête formulée par l'ambassade. Concernant
José Luis Appel de la Cruz, il est indiqué que : "Il serait arrivé en
Argentine en 1973 et (qu') il aurait été arrêté par un groupe armé le 10
janvier 1977, à midi, en plein centre de la ville de Cipoletti, dans la région
du Rio Negro". Benisio Guillermo Barros Salazar, lui, "est arrivé à
Buenos Aires le 22 juin pour participer au Championnat du monde de Football. Il
a appelé sa femme au Chili pour lui dire qu'il rentrait le 26. Il logeait à
l'hôtel Astoria. Age : 35 ans, brun. Comme il n'est pas rentré au Chili le jour
annoncé, son épouse est allée à Buenos Aires. À l'hôtel, elle a trouvé les
valises de son mari et on l'a informée qu'il n'occupait plus la chambre depuis
le 24. Elle s'est présentée au Consulat le 18 juillet pour signaler les faits
mentionnés. Elle dit aussi s'être rendue dans un commissariat, où on lui a
recommandé de recourir à un habeas corpus [52] , ce qu'elle a fait". "Répondre à la juste préoccupation des
familles" : voilà l'expression à travers laquelle la bureaucratie
militaire prétend faire montre d'une dose d'humanisme, pour mieux dissimuler
ses crimes.
Mais la répression n'est pas le seul axe de la
politique de la junte au pouvoir au Chili. Pendant les dix premières années de
dictature, l'économie est reprise en main, avec une singulière habileté, par un
groupe d'économistes issus de l'orthodoxie ultra-libérale de l'Université de
Chicago, aux États-Unis. Conduits par Sergio de Castro, qui connaît une
ascension fulgurante et devient ministre des Finances en 1975, les Chicago boys
mettent en place un programme fondé, notamment, sur les points suivants :
privatisation des entreprises publiques ; libéralisation du marché des capitaux
; abandon des négociations collectives au profit de négociations par entreprise
pour diminuer le pouvoir des syndicats ; ouverture au libre-échange par
l'adoption d'un tarif douanier unique fixé à 10% pour toutes les importations,
exceptées les importations d'automobiles. Cette dernière mesure stimule la
concurrence internationale et mène de nombreuses entreprises chiliennes à la
faillite. Au fil des années, les Chicago boys présentent des plans de plus en
plus drastiques, qui provoquent des licenciements massifs, augmentent la
pauvreté et font basculer des couches entières de la population dans la misère.
Le néolibéralisme fait ses premiers pas en Amérique latine, en tenant la main
d'un dictateur.
Les entreprises réquisitionnées par l'Unité
populaire sont restituées à leurs anciens propriétaires. Un vaste programme de
privatisations est mis en place, qui réduit significativement la participation
de l'État à la production et à la distribution des biens et des services. La
flexibilité du travail est encouragée et l'équilibre des pouvoirs au sein
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