11 Septembre... 1973
des
entreprises est modifié, au profit des dirigeants. La retraite par répartition
est démantelée et remplacée par des pensions privées, alimentées par des
cotisations individuelles. L'abaissement des droits de douane s'accompagne
d'une politique de soutien aux exportations, avec l'objectif de faire de ces
dernières le moteur de la croissances [53] .
En 1975, la situation est catastrophique :
l'inflation est de 343,5% par an et le chômage touche 16,4% de la population
active. Mais elle s'améliore en 1976 . L'inflation se stabilise autour de
30% par an et le chômage diminue.
En 1977, le taux de croissance de l'économie
décolle et atteint 8,3%. Il se maintient à 6,8% pendant les trois années qui
suivent. Les admirateurs du régime se mettent alors à parler de "miracle
chilien" et ses détracteurs, impressionnés par ces chiffres, tempèrent
leurs critiques. Pourtant, ces résultats masquent une explosion du taux de
pauvreté qui progresse de 28% à 44% entre 1970 et 1980. Cette situation résulte
en partie de la forte chute de la dépense sociale par habitant et de l'abandon
par l'État de ses fonctions d'assistance.
Le "miracle" prend fin en 1982. Le taux
de chômage grimpe à 30%. Dans les secteurs les plus pauvres de la population,
il s'élève à 50%. La crise conduit 1200 entreprises chiliennes à la faillite.
Comme l'explique le politologue chilien Edgardo Boeninger : "En 1982 se
produit une brutale réduction du crédit extérieur, ce qui met fin à l'essor
économique et provoque une réaction en chaîne : excessivement endettées, les
entreprises ne peuvent plus payer les banques qui, en conséquence, se
retrouvent devant des créances irrécouvrables dépassant trois ou quatre fois
leur patrimoine. Non seulement elles ne peuvent plus continuer à prêter à des
clients insolvables, mais elles finissent, elles aussi, presque sans exception,
par connaître une situation technique de faillite (...). En novembre 1982, la
dette de la Banque centrale atteint 2500 millions de dollars, le double de son
capital et de ses réserves. Seuls le manque abyssal de régulation, l'absence de
contrôle, l'irresponsabilité et le dogmatisme des économistes au pouvoir
peuvent expliquer que l'on en soit arrivé à cette situation de faillite généralisée
du système financier [54] "
La dette des banques est couverte par l'État, qui
ne parvient cependant pas à empêcher la fermeture de plusieurs établissements,
tandis que la situation sociale se dégrade et que les premières protestations
se font entendre.
Les cacerolazos, ces marches où l'on tape
sur des casseroles et qui avaient été inaugurées en 1971 contre le gouvernement
d'Allende, refont leur apparition sur la scène politique chilienne en 1984. Les
femmes et les mères des disparus prennent la tête du mouvement. Elles se
servent de la danse nationale, la cueca sola, comme d'un mode de
protestation, en dansant seules dans les espaces publics [55] .
"La femme danse seule pour montrer son veuvage, son abandon, sa fidélité à
celui qui est parti, analyse Sonia Montecinos, du Regroupement des familles des
détenus disparus, mais aussi pour convoquer sa silhouette perdue [56] "
Ces protestations sont relayées par une partie de
l'Église catholique qui, conduite par le cardinal Raul Silva Henriquez,
archevêque de Santiago, tente depuis l'instauration de la dictature de
s'opposer à la frénésie meurtrière du pouvoir.
Elle commet son premier acte de résistance le 18
septembre 1973, alors que la junte prétend organiser une "prière pour le
Chili" dans l'enceinte de l'École militaire de Santiago. Henriquez refuse
et la cérémonie a finalement lieu dans l'église de la Gratitude Nationale. Le
cardinal lit une homélie qui exhorte les Chiliens à chérir ce qu'ils ont perdu
: "À côté de notre amour de la liberté, il existe en nous l'amour et le
respect de la loi. Nous avons cru que celle-ci constituait la meilleure façon
de préserver notre liberté et le meilleur moyen d'assurer notre
développement...".
D'un côté comme de l'autre, tous savent que ces
paroles ne peuvent être prononcées. Le lendemain, le prêtre catalan Joan Alsina
est assassiné par une patrouille militaire et son cadavre est jeté dans le
fleuve Mapocho. Les crimes contre l'Église se multiplient. Les prêtres Michael
Woodward et Gerardo Poblete décèdent sous la torture, comme de nombreux autres.
Un religieux, Antonio Llido, est porté disparu.
Le 7 octobre,
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