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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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Un
mauvais augure !
    La suite avait été à l’avenant. Coincé entre les
conservateurs et les travaillistes, le libéral Asquith n’avait pas été épargné
par les crises. La question irlandaise, bien sûr, qui était devenue le serpent
de mer de la politique anglaise. La question sociale, tout autant. En 1909, son
chancelier de l’Échiquier Lloyd George n’avait pas trouvé mieux que de
présenter un « budget populaire ». Provocation insupportable !
avaient alors réagi en chœur les tories . À la Chambre des Lords ceux-ci
étaient résolus à risquer la crise constitutionnelle. On s’en était tiré
d’extrême justesse par des élections générales à répétition, en janvier puis en
décembre 1910. À chaque fois, les libéraux l’avaient remporté sur le fil.
Ne disposant plus de majorité franche au Parlement, ils en étaient réduits à
gouverner avec le soutien des nationalistes irlandais !
    Et voici à présent que menaçait une crise internationale de
première grandeur. Asquith ne s’y était pas trop colleté jusque-là, préférant
laisser l’affaire entre les mains de Grey. Mais il ne pouvait continuer
longtemps à faire comme s’il n’était pas concerné. La veille à Whitehall, dans
la salle des pas perdus, le leader de l’opposition conservatrice, Andrew Bonar
Law, l’avait relancé avec insistance sur la situation en Europe.
    En raison de sa vulnérabilité parlementaire, Asquith était
condamné à la prudence. Il avançait, les yeux braqués sur l’opinion publique.
Tout faux pas lui était interdit et il le savait.
    *
    La pendule marquait dix-sept heures, ce 1 er  août,
au 10 Downing Street. On en était à la seconde réunion de cabinet de la
journée. Chaque jour un peu plus, Edward Grey ressemblait à son portrait
officiel en col cassé. Un front dégagé, des lèvres minces et pincées, un regard
franc. De la droiture et de la gravité dans ce regard, bien plus que cette
tristesse indicible qu’on y devinait parfois.
    Cela se voyait peu mais Grey était un homme intérieurement
déchiré. Ses échecs diplomatiques, sans doute. Surtout, le sentiment que
l’Europe se dirigeait tout droit vers la guerre. Et la guerre, il la haïssait
de toutes ses forces. Comment certains responsables politiques pouvaient-ils la
désirer ? Il ne comprenait pas, il ne comprendrait jamais. Le matin même,
il avait encore télégraphié à Goschen à Berlin : « Qu’on gagne
seulement du temps et que personne ne commence [289]  ! »
    Chacun savait pourtant que Grey basculerait sans hésitation
du côté de la guerre si le pire devait advenir. Avec la même honnêteté qu’il
mettait aujourd’hui à défendre la cause de la paix. Tel était le paradoxe de
cet homme de bonne foi, si british jusque dans ses contradictions.
    L’Angleterre était peu à peu entraînée vers la guerre.
C’était le résultat de la réflexion désabusée de sir Edward. Des gens
comme Arthur Nicolson et Eyre Crowe n’y étaient pas pour rien.
    Jour après jour, Nicolson inoculait sa conviction à son
ministre. Une conviction acquise au temps où il était ambassadeur à
Saint-Pétersbourg. L’Allemagne voulait la guerre. Bellicisme mis à part, elle y
serait poussée par la logique même de son expansion économique et commerciale.
L’Angleterre n’y échapperait probablement pas. D’où la nécessité impérative
d’un resserrement des liens franco-anglais. Cette conviction était d’autant
plus contagieuse que Nicolson passait pour un des diplomates les plus avisés de
sa génération.
    En sa qualité de sous-secrétaire permanent du Foreign Office,
Eyre Alexander Crowe partageait l’analyse de Nicolson même s’il y était arrivé
par d’autres voies. Ce compagnon de l’ordre de Bath, chevalier dans l’ordre de
Saint-Michel et Saint-Georges avait eu un parcours atypique. Né à Leipzig d’une
mère allemande, éduqué à Düsseldorf puis Berlin, il était venu en Angleterre à
l’âge de dix-huit ans. Toute son existence, il conserverait un fort accent
germanique qu’il entretiendrait grâce à Clema, son épouse allemande. Ce qui
n’empêchait pas Crowe de se méfier de l’Allemagne et de ses prétentions
hégémoniques, de même nature à l’en croire que celles de l’Espagne de
l’« Invincible Armada ».
    En 1907, Crowe avait rédigé un mémorandum détaillé sur
l’état des relations entre la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.
« Remarquable », en

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