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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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président
Poincaré. Ce dernier avait accepté de se rendre au dîner donné par
l’ambassadeur.
    Aujourd’hui, hélas, l’atmosphère n’était plus à la fête. Les
traits creusés, Schoen paraissait livide. Il était attendu de lui une besogne
assez désagréable pour un ambassadeur, la rupture de relations diplomatiques.
Pour autant, la Wilhelmstrasse n’avait pas jugé utile de lui fournir plus amples
explications. Depuis juin 1910 qu’il n’était plus secrétaire d’État aux
Affaires étrangères, c’était comme si l’on se méfiait de lui à Berlin dans les
allées du pouvoir.
    René Viviani était arrivé au Quai d’Orsay peu avant
l’ambassadeur allemand. Il venait tout droit de l’Élysée où le marathon des
Conseils des ministres à répétition se poursuivait. À dix heures, le Conseil
s’était réuni de nouveau. Cette fois, on avait accédé à la demande du général
Joffre et décrété la mobilisation. Il est vrai que le chef d’état-major, qui
faisait le pied de grue à la présidence depuis neuf heures du matin, avait mis
sa propre démission dans la balance auprès de Messimy.
    Le ministre de la Guerre s’était vu confirmer avec une
insistance particulière l’ordre de repli de dix kilomètres en deçà de la
frontière. Messimy avait téléphoné personnellement la consigne aux chefs de
corps, ajoutant à toutes fins utiles : « Toute désobéissance
sera passible du conseil de guerre [282] . »
    Le « télégramme blanc » notifiant aux maires de
France la décision de mobiliser fut officiellement remis par Messimy au général
Ebener, de l’état-major de Joffre, à 15 h 30 précises. Un quart
d’heure plus tard seulement, il était expédié du Central télégraphique avec
date d’effet au dimanche 2 août.
    *
    Il était 16 h 25 lorsque la première affiche,
jaune et manuscrite, fut placardée à la préfecture de police. Dans les minutes
qui suivirent, des affiches blanches barrées de tricolore et luisantes de colle
fraîche firent leur apparition sur les murs de Paris puis sur ceux de toutes
les mairies de France. Des attroupements se formèrent sur les trottoirs. De la
stupéfaction le plus souvent, de la colère parfois aussi. Des mots qui
claquaient déjà comme des coups de feu : revanche, honneur,
Alsace-Lorraine.
    Boulevard de Strasbourg, non loin de la gare de l’Est, la
foule entonna spontanément la Marseillaise . Au carrefour
Denfert-Rochereau, on fleurit le lion de Belfort. Au très distingué pavillon
d’Armenonville, en lisière du bois de Boulogne, l’orchestre s’arrêta
brusquement de jouer au grand dam des danseurs. Le directeur de l’établissement
s’avança sur la scène :
    — Mesdames, messieurs, l’ordre de mobilisation vient
d’être donné par le gouvernement. Elle commence aujourd’hui à minuit.
    Le soir, dans tous les grands restaurants chics, on fit
jouer l’hymne national avant de sabrer le champagne. Au Maxim’s, rue Royale,
les dîneurs se levèrent de table comme un seul homme à l’exécution du God
Save the King . L’orchestre était composé en majorité de musiciens hongrois.
Mais ce détail ne sembla pas gêner les convives.
    *
    Face à Viviani, l’ambassadeur d’Allemagne réitéra sa
question de la veille. Il s’aperçut aussitôt de l’incongruité de son
formalisme :
    — Je sais que ma question est un peu naïve. Vous avez
un traité d’alliance avec la Russie [283] …
    Viviani évita de regarder Margerie qui se tenait à ses
côtés. Le chef du gouvernement était aussi tendu que son visiteur. Il se borna
à prononcer la phrase convenue d’avance avec Poincaré :
    — Monsieur l’ambassadeur, la France s’inspirera de ses
intérêts [284] .
    Wilhelm von Schoen reprit son chapeau mou de feutre
noir. Il avait une autre consigne de son ministère dans l’éventualité où la
France aurait fait prévaloir sa neutralité. Il devait réclamer, en guise de
garantie, la remise à l’Allemagne des forteresses de Belfort, Toul et Verdun.
L’ambassadeur s’abstint d’en faire état. La France ne se disait pas neutre, il
n’enfreignait donc pas la consigne. Et la France n’était tout de même pas la
Serbie !
    Malheureusement pour Schoen, les services français avaient
décrypté le télégramme chiffré en provenance de Berlin qui faisait état de
cette instruction si brutalement maladroite. Dès le lendemain, la presse
parisienne en faisait état sur le ton de

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