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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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grand-peine.
    Le 29 juillet encore, malgré sa répugnance, San
Giuliano s’était résigné à discuter avec Merey. Il avait remis sur le tapis la
question des compensations, évoquant le Trentin :
    — L’Italie ne peut se laisser guider que par ses
intérêts.
    Merey avait été pris d’une colère froide :
    — Si, dans le passé, on a pu me reprocher une certaine
violence et un manque de diplomatie, je rachète aujourd’hui ces fautes en ne
répondant pas une sottise à vos propositions inadmissibles [303] .
    Tout était dit. À l’avenir, San Giuliano éviterait Flotow
comme Merey. Il ferait dire désormais à ces deux ambassadeurs qu’il était
malade ou en villégiature à Fuggi, la station balnéaire favorite des Romains.
Dans le même temps, il recevrait ostensiblement et avec chaleur Camille
Barrère, l’ambassadeur de France ou sir Rennel Rold, son collègue
britannique.
    San Giuliano, tout comme Salandra, était un admirateur du
marquis Visconti Venosta, qui affirmait jadis : « Pour un diplomate,
il est fort important de savoir retirer à temps son épingle du jeu. »
    Cette épingle du jeu, l’Italie la retirait à présent. Toutes
les missives ou dépêches du Kaiser au roi Victor-Emmanuel n’y changeraient
rien. Lorsque la déclaration de neutralité italienne, transmise par San
Giuliano à Merey, parvint à Vienne, le comte Berchtold écuma de rage devant
l’ambassadeur d’Italie, le duc d’Avarna :
    — L’Italie s’est commise dans une politique fort
imprudente. Elle le regrettera amèrement [304] …
Potsdam, 2 août, 11 h 20
    La nouvelle était tombée aux aurores. Helmuth von Moltke
n’aurait pas à manger son chapeau et à faire rappeler ses troupes en
catastrophe. Pas cette fois ! Tous les rapports indiquaient que l’armée du
Reich avait bel et bien franchi la frontière du Luxembourg. Tel un rouleau
compresseur, elle s’employait à contrôler le pays conformément au plan de
l’état-major général.
    La neutralité et l’indépendance du grand-duché n’étaient
déjà plus qu’un souvenir sans importance pour les maîtres de l’Allemagne qui se
réunissaient ce matin-là à la Wilhelmstrasse. Le Luxembourg donc fatalement,
dans la foulée, la Belgique. Alfred Schlieffen, s’il vivait encore, aurait été
fier. Même rectifié, ce plan restait tout de même le sien.
    On en était déjà à l’étape suivante qui était, au fond,
l’objectif suprême : la France. La guerre était certaine avec Paris,
encore fallait-il la déclarer. Une nécessité vraiment impérative ? Moltke
ne le pensait pas :
    — Formalité sans intérêt ! Nous sommes engagés
dans une course de vitesse, pas dans une guerre en dentelle [305] …
    L’amiral von Tirpitz abondait dans ce sens :
    — Pourquoi vouloir à tout prix déclarer la guerre et
endosser ainsi le rôle odieux de l’agresseur ?
    — … d’ailleurs, tel que je les connais, les Français
seront les premiers à engager les opérations militaires [306] .
    Même s’il endossait sans déplaisir les habits du
« chancelier de guerre », Bethmann-Hollweg se souvenait qu’il avait
été juriste dans le temps. Et il ne partageait pas cet avis :
    — Respecter les principes du droit international est
essentiel. L’ouverture d’hostilités doit être précédée d’une déclaration en
bonne et due forme.
    Moltke haussa les épaules, méprisant. Les civils avaient
décidément du temps à perdre :
    — Le droit ? Vous n’en avez pas fait grand cas,
mon cher, lorsque nous avons pris tous ensemble la décision de violer la
neutralité du Luxembourg [307]  !
    Sur ce, il se leva brusquement de son fauteuil, salua avec
raideur puis sortit. La discussion n’avait que trop duré. Bethmann s’entretint
longuement avec Jagow. D’ici le lendemain, il faudrait bien donner le feu vert
à Schoen à Paris. Et, auparavant, imaginer un casus belli à peu près
vraisemblable.
    *
    Les douze coups de midi étaient en train de retentir à
Bruxelles, ce dimanche 2 août, lorsqu’on introduisit le ministre
d’Allemagne dans le bureau du ministre des Affaires étrangères. Karl-Konrad von Below
savait déjà que ce serait un moment pénible à passer. Le Luxembourg, bien sûr.
La Belgique réclamait des explications à Berlin.
    La veille encore, von Below assurait la main sur le
cœur à Bassompierre que la Belgique n’avait rien à craindre de l’Allemagne.
Aujourd’hui, cependant, l’Allemand était

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