1914 - Une guerre par accident
Roumanie puis en Suisse. Révoqué à la
Libération, sans pension ni indemnité, il s’exila en Suisse. De Gaulle lui
refusa longtemps son entrée à l’Académie française. Consacré sur le plan
littéraire, Morand inspira le renouveau d’une droite littéraire incarnée, vers
la fin des années cinquante, par les Hussards à la suite de Roger Nimier ou Jacques
Chardonne. Lui-même finit par être élu à l’Académie en septembre 1968.
Paul Morand mourut à Paris en juillet 1976.
*
Juillet 1919. Au lendemain du traité de Versailles, le
comte Berchtold retrouva la quiétude de son château de Buchlau et de son écurie
de lipizzans. Sans regret ni remords, il confiait volontiers qu’il n’avait vécu
dans sa carrière de ministre que deux moments agréables : celui de sa
nomination, lorsqu’il avait reçu les félicitations de ses pairs en tant que
successeur des princes Metternich et Schwarzenberg, et celui de sa démission.
La guerre ? Il ne voulait plus en entendre parler.
— Laissez-moi donc tranquille. Il y a longtemps que
j’en ai assez de la guerre !
Comment ne pas le comprendre ? Berchtold avait, en
effet, quelque raison d’exprimer une certaine irritation. Cette guerre dont il
avait eu le mauvais goût de ressortir indemne avait causé à l’Europe la perte
de près de dix millions d’hommes, à un rythme de 6 000 morts par
jour. Elle avait causé vingt-trois millions de blessés dont près de huit
millions d’invalides. Parmi ceux-ci, une forte proportion de victimes qu’on
appellerait les « gueules cassées ». Elle avait saigné à blanc en
pertes humaines et en destructions matérielles un vieux continent qui devait en
perdre irrémédiablement sa suprématie sur le reste du monde. Au-delà de l’enfer
des tranchées, elle avait permis à une Turquie aveuglée par sa frénésie
nationaliste de perpétrer un génocide contre les Arméniens. Elle avait provoqué
l’effondrement de cet Empire des Habsbourg dont lui, Berchtold, avait été l’un
des représentants les plus éminents. Elle avait aussi entraîné la disparition
de tous les autres empires qui modelaient la carte de l’Europe avant
1914 : l’Empire ottoman, celui des Hohenzollern, celui des Romanov.
Surtout, cette Grande Guerre avait laissé dans la mémoire de
ceux qui l’avaient vécue et éprouvée dans leur chair des séquelles aussi
atroces qu’indélébiles. Des séquelles tellement traumatisantes et obsédantes
qu’il semblait impossible qu’elles pussent se reproduire un jour. Des séquelles
génératrices d’une nouvelle illusion fatale : la guerre de 1914-1918,
« der des der »…
Bibliographie
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