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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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appeler le moine Illiodore. La police découvrirait qu’Illiodore
avait armé la main de Khionia Gousseva et commandité l’attentat contre
Raspoutine.
    Grichka resta près de deux semaines dans un coma profond. À
son réveil, son premier réflexe fut de faire expédier un télégramme au
tsar : « Pour l’amour du ciel, batiouchka (petit père) détournez-vous
de la guerre. Car de la guerre viendra la fin pour la Russie et pour votre
dynastie. Vous y perdrez jusqu’au dernier homme [29] . »
    Horrifiée, la tsarine Alexandra Feodorovna vit Nicolas
déchirer calmement le télégramme. Dans les antichambres de Tsarskoïe Selo,
d’autres influences s’étaient déjà substituées à celle du staretz . Des
influences beaucoup plus inquiétantes.
    *
    À Itchen Abbas, petit village du Hampshire au sud de
l’Angleterre, les week-ends étaient sereins. La campagne y était plus
verdoyante qu’ailleurs et la faune plus riche avec ses variétés innombrables de
tourterelles et de mésanges à longue queue. La rivière qui serpentait alentour
était avenante à ceux qui aimaient à s’adonner aux charmes de la pêche. C’était
le cas de sir Edward Grey, premier vicomte de Fallodon, ornithologiste de
formation et passionné de pêche à la mouche.
    Depuis un quart de siècle qu’il y consacrait tous ses
loisirs, sir Edward connaissait par cœur tous les recoins de ce site
bucolique. Devenu veuf sept ans plus tôt, fuyant la vie de société, il ne se
lassait pas de ces moments enchanteurs près de ce petit pont en bois vermoulu
qui portait son nom. Parfois, il partait dans les bois déclamer pour lui-même
des vers de William Wordsworth, son poète préféré. Le reste du temps, il
élevait des écureuils. Ces instants privilégiés de sérénité, sir Edward en
mesurait encore davantage le prix depuis qu’il occupait les fonctions
dévorantes de secrétaire au Foreign & Commonwealth Office.
    Lorsque, ce dimanche en milieu d’après-midi, on lui
communiqua les nouvelles dramatiques en provenance de Sarajevo, sir Edward
affecta de n’en rien laisser paraître. Sa sympathie pour l’archiduc autrichien
n’était pas démesurée et il avait mieux à faire que se laisser absorber
l’esprit par les agissements de quelques sauvages incontrôlables dans les
Balkans. Des sauvages d’ailleurs affligés de noms définitivement
imprononçables.
    Depuis près d’une décennie qu’il dirigeait la diplomatie de
Sa Majesté, sir Edward avait eu son comptant de crises européennes et des
plus sérieuses, de Tanger à Agadir. Il en avait lu des rapports alarmistes et
des télégrammes d’ambassadeurs qui prédisaient une catastrophe prochaine. Il
avait dû en gérer des soubresauts à répétition dans les Balkans, des guerres
larvées, des trêves incertaines, des compromis boiteux.
    En sa qualité de doyen des ministres des Affaires étrangères
européens, peu de choses pouvaient encore surprendre sir Edward. Au fond,
cette Europe ressemblait à s’y méprendre à celle qu’avaient coutume de mépriser
les cousins américains : un vieux continent de pays querelleurs, immoraux
et souvent absurdes. Par bonheur, l’Angleterre restait sur son quant-à-soi et
considérait toujours la chose européenne à distance insulaire respectable.
    Sur le bureau de sir Edward au Foreign Office, dont les
fenêtres ouvraient sur Saint-James’s Park, l’attendaient des dossiers autrement
plus graves pour la diplomatie britannique qu’un quasi-régicide dans une
contrée perdue de l’Europe centrale. La question du Home Rule, de
l’autonomie interne irlandaise, suffisait largement à mobiliser son attention.
Une loi décisive, la troisième du genre, venait d’être votée un mois plus tôt.
Elle divisait profondément le pays. Le roi George V avait demandé au
secrétaire au Foreign Office d’organiser une consultation de tous les partis
politiques le 20 juillet, à Buckingham Palace.
     
    Effet de l’expérience ou simple intuition ? Sir Edward
eut un mauvais pressentiment. Tout de même, cette nouvelle affaire dans les
Balkans ne disait rien qui vaille. Il décida d’anticiper de quelques heures son
départ pour Winchester. De là, il récupérerait sa correspondance de retour pour
Londres. Il serait alors grand temps d’aviser avec le Premier ministre Herbert
Asquith et avec le Premier Lord de l’Amirauté, le jeune et fougueux Winston
Churchill.
    *
    Au château de Windsor, dans le Berkshire, la montée du

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