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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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soir
était paisible. Résidence officielle du souverain britannique au même titre que
le palais de Buckingham à Londres ou que celui de Holyrood à Édimbourg, Windsor
avait été dans le temps la demeure préférée de la reine Victoria. Son fils
Édouard VII l’avait snobée par la suite et n’y séjournait que très
rarement, au moment de Pâques ou de la semaine de courses hippiques à Ascot.
    Le roi George V, tout comme son père, n’était pas un
fervent de cette ancienne forteresse transformée en château. Son épouse la
reine Mary l’avait cependant réaménagé de façon à le rendre un peu plus
confortable.
    Ce soir-là, le roi avait pris congé de son secrétaire
particulier Arthur Stamfordham qui lui avait appris quelques heures plus tôt la
nouvelle de l’assassinat de l’archiduc. Dans la quiétude de ses
appartements privés, il consigna scrupuleusement dans son Journal personnel : « Un choc terrible pour ce cher vieil empereur [30] . »
Puis il s’adonna à sa passion de toujours, sa collection de timbres dont il
prenait un soin jaloux.

II
Le vieil homme et l’Empire
    La guerre est d’ordre divin. Sans elle, le monde
sombrerait dans le matérialisme.
    Helmuth Johann Ludwig, comte von Moltke
Potsdam, 5 juillet, 11 h 30
    « La prochaine guerre sera déclenchée par une sacrée
idiotie qui se produira dans les Balkans. » La prémonition lancinante de
Bismarck hantait Guillaume II. Une semaine s’était écoulée depuis
l’attentat de Sarajevo et le Kaiser en restait profondément ébranlé. Était-ce
donc là cette « sacrée idiotie » qu’avait prophétisée naguère le
grand chancelier ?
    En ce dimanche matin, Guillaume recevait en audience
l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie, le comte Ladislas Szögyény-Marich. Celui-ci
venait lui remettre une lettre personnelle et autographe de l’empereur
François-Joseph. Un émissaire spécial du ministre autrichien des Affaires
étrangères, le comte Alexander Hoyos, avait été mandaté pour convoyer la
missive à Berlin.
    Les termes de la lettre étaient durs, son ton déterminé.
Chaque mot avait dû sans doute en être soigneusement soupesé. Il y était écrit
que la Serbie représentait un danger permanent, insupportable :
    « La paix ne pourra devenir une certitude que lorsque
la Serbie disparaîtra des Balkans en tant que facteur de puissance… il ne peut
plus être question de réconciliation avec elle [31] . »
    L’heure du règlement de comptes avait sonné. Et l’Allemagne
dans tout cela ?
    Le souverain fronça les sourcils. Guillaume restait tel
qu’en lui-même. De l’émotion, une propension à la provocation, un goût immodéré
pour les postures. Pourrait-il jamais changer ? Au fond, il était presque
soulagé de constater que son allié viennois, malgré toutes ses avanies passées,
avait encore des tripes. Pour le Kaiser, l’esprit chevaleresque n’était pas
fredaine d’un autre temps.
    Qu’avait gagné l’Allemagne dans le passé à prêcher la
modération ? Rien de bien concret, selon lui. Du temps gaspillé et,
peut-être pire encore, la perception extérieure d’une certaine faiblesse.
Dorénavant, Guillaume ne se mêlerait plus de tempérer les ardeurs de
l’Autriche. Il y allait de la crédibilité du Reich comme de sa dignité
personnelle. Il s’agissait aussi de solidarité morale envers un vieux monarque
respectable qui venait d’être meurtri.
    Allons ! L’honneur était du bon côté, le sien. On ne
laisserait pas impunément assassiner des princes. L’heure était aux âmes bien
nées, celles qui ne capitulent pas face à une adversité médiocre.
    Du panache et des grands airs de matamore chez ce souverain
en représentation permanente. Les apparences étaient cependant trompeuses.
Guillaume était surtout homme à croire ce qui l’arrangeait et à mépriser tout
le reste. Oubliait-il la conversation qu’il avait eue une dizaine d’années plus
tôt – on était en janvier 1904 – avec le roi des Belges
Léopold II ? À ce dernier, il avait lancé tout à trac :
    — D’un jour à l’autre, je peux être obligé de tirer
l’épée. L’Allemagne ne connaîtra plus alors que des amis ou des ennemis. Si la
Belgique ne marche pas avec moi, je ne me laisserai guider que par des
considérations stratégiques [32] …
    Le Kaiser pouvait-il également ignorer que son chef
d’état-major des armées, Helmuth von Moltke, détenait dans son coffre-fort
le plan

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