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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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position de Votre Majesté est juste. Nous ne
pouvons plus reculer et abandonner l’Autriche comme par le passé. L’opinion
publique ne comprendrait pas, cette fois.
    — Hier notre ministre de la Guerre, le général von Falkenhayn,
m’a assuré qu’il ne croyait pas à un conflit. Je n’y crois pas non plus. Je
n’imagine pas le tsar assez fou pour se mettre du côté des régicides.
D’ailleurs les Russes ne sont pas prêts à faire la guerre.
    — S’il devait y avoir malgré tout la guerre, Majesté,
il faudrait veiller à ce qu’elle reste localisée entre la Serbie et l’Autriche.
Le seul moyen d’y parvenir, faute de mieux, ce serait encore de laisser Vienne
frapper la Serbie. Vite et fort.
    — Exact ! Réagir rapidement, placer tout le monde
devant le fait accompli. Aujourd’hui, l’Autriche a toutes les cartes morales en
main. Il ferait beau voir qu’on lui conteste sa légitimité à réagir [36]  !
    Au soir du 5 juillet fut communiquée à Vienne la
réponse officielle de Berlin :
    « Sa Majesté ne peut naturellement prendre parti sur la
question en cours entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie, car elle échappe à sa
compétence. Mais l’empereur François-Joseph peut être certain que Sa Majesté,
conformément à ses obligations d’alliance et à sa vieille amitié, se tiendra
fidèlement aux côtés de l’Autriche-Hongrie [37] . »
    En lui remettant le texte de la réponse allemande,
Bethmann-Hollweg avait pris soin de glisser discrètement à l’ambassadeur
Szögyény :
    — Le mieux serait encore que vous marchiez
immédiatement contre la Serbie [38] .
    N’en croyant décidément pas ses oreilles, le vieux Hongrois
s’empressa de déguerpir de crainte que son interlocuteur ne change d’avis.
Retour à son ambassade, il ordonna sur-le-champ au service du chiffre de
transmettre la bonne nouvelle à Vienne.
    Le lendemain 6 juillet, sur le coup de
9 h 15, Guillaume II s’embarqua en grande pompe sur le yacht
impérial, le Hohenzollern , pour une croisière de trois semaines dans les
fjords de Norvège. Son instinct lui avait d’abord conseillé de tout annuler.
Bethmann-Hollweg l’avait cependant convaincu de ne rien changer à son
programme. L’Allemagne devait donner aux autres nations l’image de la puissance
inébranlable. Le chancelier lui-même prit, ce jour-là, le chemin de sa
propriété de Hohenfinow, dans le Brandebourg.
    Dans un Berlin désert, en proie à la moiteur de cet été
torride, la tension retomba d’elle-même.
    *
    Station thermale de Basse-Franconie, Bad Kissingen était le
lieu de villégiature préféré des têtes couronnées et des célébrités. Élisabeth
d’Autriche y avait séjourné à plusieurs reprises, ainsi que Bismarck et Léon
Tolstoï. On prétendait que le tsar Alexandre II en personne y avait fait
une courte halte.
    Bad Kissingen était surtout réputée pour le sanatorium du P r  Dapper.
Juché sur les hauteurs de la ville, l’établissement drainait le gratin des
hommes d’affaires germaniques. Ceux-ci venaient y soigner leur surmenage ou
récupérer d’une année de travail harassante. Accessoirement, c’était l’endroit
privilégié pour parler discrètement business. C’est là, notamment, qu’Albert
Ballin effectuait des cures régulières comme en ce début de juillet 1914.
    Albert Ballin était le prestigieux directeur général de la
Hamburg Amerika Linie, la fameuse Hapag. Il en avait fait la compagnie maritime
la plus puissante au monde : à lui seul, au nez et à la barbe de la Cunard
comme de la White Star, ces fleurons incontestés de la flotte marchande
britannique. Sur toutes les mers et sous toutes les latitudes, les pavillons de
la Hapag étaient connus et respectés. Ballin, lui, passait pour l’entrepreneur
le plus avisé d’Allemagne. Il avait fait placer sa devise préférée à l’entrée
de ses bureaux, à Hambourg, sur la Binnenalster : «  Mein Feld ist
die Welt [39]  »
(« Le monde entier est mon terrain de jeu »).
    Intelligent, libéral, l’homme avait toutes les qualités du
grand patron. Né près du Steinhöft, un des quais du port de Hambourg, il avait
contemplé très tôt cette « forêt de mâts » qui ne cesserait de le
fasciner. Ballin sentait les affaires comme personne. Mieux encore, il avait de
la vision. Il pouvait bien, en tant que juif, être snobé par la bonne société
locale. Il s’en consolait en étant reçu avec tous les honneurs à la

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