Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
Vom Netzwerk:
stratégique élaboré par son prédécesseur Alfred von Schlieffen ?
Ce plan prévoyait l’invasion de la Belgique dès le déclenchement des
hostilités. Ainsi, les premiers régiments de uhlans pourraient être en vue de
la tour Eiffel en moins de quarante jours.
    Un quart de siècle plus tôt, le Kaiser avait commis une
faute politique majeure. Cela se passait au tout début de son règne. Un peu par
bravade, il avait rompu brutalement avec la stratégie bismarckienne d’alliance
avec la Russie. Même si le vieux chancelier n’avait pas de grandes affinités
avec l’empire des tsars, il n’en considérait pas moins que ce pays était la clé
de l’isolement diplomatique de la France. Tant que Paris demeurerait éloigné de
Saint-Pétersbourg, la revanche française ne serait pas à l’ordre du jour. En
cas de guerre, l’Allemagne n’aurait pas à batailler sur deux fronts à la fois.
Ivre de son nouveau pouvoir, le jeune Guillaume avait balancé ces sages
précautions par-dessus le bastingage.
    Le Kaiser avait commis une autre faute politique, tout aussi
grave, en laissant l’amiral Alfred von Tirpitz engager la course aux
armements navals. La surenchère permanente dans les tonnages et dans la
sophistication lui aliéna l’Angleterre alors même que cette dernière n’aurait
sans doute pas demandé mieux que de demeurer en dehors de l’agitation
continentale. Comment avait-il pu nourrir le fol espoir que l’Angleterre
resterait inerte ? Deux fautes aussi cruciales, cela faisait beaucoup.
    Malgré les apparences, Guillaume n’était pas un homme
agressif. Il était la première victime de son comportement hâbleur, frappé au
coin de l’instabilité et d’une certaine immaturité. Il adorait jouer des
muscles et se pavaner au milieu de ses officiers sur les terrains de manœuvres,
un bâton de maréchal en main. Il avait le goût enfantin des grands cordons et
des décorations comme des harangues menaçantes ou outrecuidantes.
    Les flagorneurs prétendaient qu’il y avait en lui quelque
chose de Frédéric le Grand ou de Napoléon. Il n’avait guère cependant le
tempérament d’acier de ces géants et était sans doute le premier à en être
conscient. C’était son drame personnel. Ses démonstrations viriles ne valaient
que pour la galerie. Il se passionnait pour le Kriegsspiel mais n’avait
pas les nerfs pour commander sur-le-champ de bataille. Bernhard von Bülow,
l’ancien chancelier qui le connaissait bien pour avoir été un de ses proches,
s’en était depuis longtemps aperçu : « Il savait qu’il n’était pas un
chef d’armée, pas plus que, malgré sa passion pour la marine, il n’eût été
capable de diriger une escadre, ni même un croiseur [33] … »
    Entre les mains de cet homme moins belliqueux que fragile
reposait le destin de l’Empire allemand. Un homme qui avait la hantise qu’on
pût le déchiffrer. Un homme dont l’obsession était de conserver la maîtrise d’un
jeu qui lui échappait, confisqué par ses généraux et jusqu’à son propre fils,
le Kronprinz Guillaume. Il était condamné à la surenchère. Le jour où le Kaiser
cesserait d’exhiber son « armure étincelante » n’était pas pour
demain.
    Depuis un quart de siècle que Guillaume occupait le trône
impérial, il faisait de moins en moins illusion. À l’état-major militaire, on
se méfiait de son tempérament versatile et imprévisible. Les diplomates de la
Wilhelmstrasse, eux, se désolaient que l’empereur, par ses déclarations comme
par son comportement, se fût composé une image de fauteur de guerre idéal.
    L’action de la diplomatie allemande n’était guère aisée.
Il lui fallait souffler alternativement le chaud et le froid et entretenir
l’incertitude sur les intentions de Berlin. Les diplomates étrangers n’étaient
pourtant plus dupes de ces valses-hésitations. Un des plus vieux ambassadeurs
en poste, le représentant de la France Jules Cambon, s’était persuadé que
l’Allemagne se préparait à la guerre et la souhaitait même d’une certaine
façon. Si elle donnait parfois l’impression de la redouter, c’était uniquement
en raison des risques encourus.
    À la Königsplatz, quartier général de l’état-major allemand,
la politique suivie était en revanche sans équivoque. En 1912, les généraux
avaient exercé une pression formidable afin que fût votée la loi des trois ans
sur le service militaire, laquelle avait pour but principal de

Weitere Kostenlose Bücher