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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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description du génie : des éclairs qui
viennent zébrer le cerveau [149] . »
    Une semaine plus tôt, le Premier Lord de l’Amirauté avait
supervisé à Portland, sur la Manche, l’exercice de mobilisation de la flotte
anglaise. Celui-ci s’était conclu, le 18 juillet, par une revue
somptueuse. La plus grande concentration de forces navales jamais vue au
monde : quelque 223 cuirassés, croiseurs lourds et légers,
contre-torpilleurs, releveurs de mines et sous-marins avaient défilé devant le
yacht royal. La parade avait été un authentique succès personnel pour Churchill
qui avait été félicité en personne par le roi George V.
    Aujourd’hui pourtant, ce succès avait un arrière-goût
d’inachevé. Insignifiante au début, cette affaire dans les Balkans était en train
de prendre une mauvaise tournure. Churchill avait toujours considéré que la
Royal Navy était d’abord un instrument politique, surtout en temps de crise.
Était-il raisonnable, dès lors, de procéder à la démobilisation des 1 re et 2 e  flottes à Portland et dans les ports voisins, comme il
avait été initialement décidé ?
    Soucieux, le Premier Lord retournait cette question dans sa
tête sans pouvoir y apporter de réponse satisfaisante. Grey apparaissait non
moins préoccupé mais pour de tout autres raisons. On lui rapportait qu’à la
City la tendance était à la baisse et l’atmosphère devenait morose.
L’Allemagne, tout particulièrement, inquiétait. Et cela ne datait pas d’hier.
    Jadis, c’était l’agressivité du commerce allemand qui
défrayait la chronique boursière. À la fin du siècle dernier, dans son
best-seller intitulé Made in Germany , l’essayiste britannique Edwin
Williams avait dénoncé l’âpreté de la concurrence germanique. C’était le temps
du «  billig und schlecht  » (bon marché et de mauvaise
qualité), ce dumping effréné par lequel les voyageurs de commerce faisaient
exploser les exportations allemandes.
    Mais ce temps-là était révolu. Au cours de ces dernières
années, l’Allemagne continuait d’inquiéter mais plutôt moins qu’auparavant.
Souhaitait-elle jouer dans la cour des grands ? Elle s’y trouvait à
présent et ses performances économiques la rendaient de plus en plus dépendante
du marché mondial et de ses voisins directs. Guignait-elle des
colonies outre-mer ? Elle en possédait désormais en propre, de la Gold
Coast au sud-ouest africain, du Nyasaland au Cameroun. On laissait Berlin
construire son «  Bagbahn  », le pharaonique chemin de fer entre
Constantinople et Bagdad.
    Pourquoi gâcher une telle détente ? Au nom de
quoi ? s’interrogeait sir Edward. Parce qu’un stupide assassinat
avait été perpétré à Sarajevo et parce que les Autrichiens avaient lancé un
ultimatum non moins stupide à des Serbes qui ne valaient même pas la corde pour
les pendre ?
    L’Angleterre, elle, avait évolué depuis l’époque
« jingoïste » où s’était exprimée une soif de conquête et de
puissance sur un mode qui lui ressemblait fort peu. Elle s’était assagie et
c’était tant mieux, estimait Grey :
    — Cette génération a eu assez d’exaltation et a perdu
un peu de sang. Elle est devenue raisonnable et normale [150] .
    L’Allemagne ? Les démonstrations du Kaiser relevaient à
l’évidence du Barnum. Toutefois, avec les diplomates de la Wilhelmstrasse, il
restait possible de s’entendre. Cela s’était déjà produit au moment des deux
guerres balkaniques. Londres et Berlin avaient su brider leurs alliés
respectifs. La connivence n’avait alors enchanté ni Paris ni
Saint-Pétersbourg.
    Et pourtant ! Grey n’était pas naïf et connaissait son
histoire par cœur. L’Angleterre était obsédée non sans raison par les grands
équilibres européens. Le danger aujourd’hui n’était plus la France
postnapoléonienne qui avait fait son deuil de l’épopée impériale mais bien
l’Allemagne wilhelmienne. Le Reich, au temps de Bismarck, jouissait d’une
magnifique position diplomatique mais n’était pas fait pour la guerre. Le Reich
de Guillaume, au contraire, était médiocre diplomatiquement mais prêt à
attaquer. Toutes les belles paroles du prince Lichnowsky et des diplomates
allemands ne changeraient rien à cette réalité.
    Toutefois si le pire devait advenir, ce ne seraient pas les
Anglais qui tireraient les premiers. Quitte à en appeler à des recettes un peu
éculées comme celle d’une grande

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