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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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matin du 16 mars, jour de l’assassinat du
directeur du Figaro . À son ancien ami devenu son adversaire acharné, il
avait recommandé de prendre le conseil d’une connaissance commune, l’avocat
Maurice Bernard.
    Poincaré redoutait surtout de se voir associé à Louis
Barthou dont il se doutait bien, au fond de lui-même, qu’il avait joué un rôle
trouble dans le complot médiatique dirigé contre Caillaux. Le soir même du
drame, il avait reçu d’urgence à l’Élysée un Barthou au bord de la crise
nerveuse. Celui-ci lui aurait alors avoué son rôle de boutefeu dans toute cette
affaire. Poincaré l’avait calmé, rassuré, convaincu. Il ne fallait à aucun prix
que ces révélations fassent l’objet d’un déballage sur la place publique. Et si
tout ceci revenait à présent en boomerang ?
    Et puis il y avait toutes ces rumeurs incontrôlées qui en
devenaient proprement délirantes. Nombre d’entre elles émanaient d’un parti
radical revanchard. Les adeptes de la théorie du complot évoquaient déjà la
franc-maçonnerie. La vie privée de Poincaré commençait à être, elle aussi,
scrutée à la loupe. Selon le New York Times , l’épouse du président de la
République, Henriette, aurait été une ancienne artiste de music-hall. Alors
avocat, Poincaré l’aurait défendue au moment de son divorce avec son premier
mari – elle en eut deux – avant de l’épouser. On racontait que des
hommes avaient été dépêchés aux États-Unis afin de retrouver Dominic Killoran,
le premier époux d’Henriette Benucci.
     
    À la Bourse de Paris, l’emprunt à 3 % accusait une
baisse sensible pour la première fois depuis longtemps.
Londres, 24 juillet, 17 h 10
    Dans la salle de réunion du cabinet britannique, sir Edward
Grey présentait tous les symptômes de la lassitude
physique et nerveuse. Ces quatre derniers jours avaient été
entièrement consacrés à question irlandaise. Une fois de plus. Telle était la
volonté expresse de Sa Gracieuse Majesté. Deux mois plus tôt, le Home Rule avait été voté pour la troisième fois. Et George V avait pris la décision
de consulter tous les partis politiques sur cette question explosive qui
poussait le pays au bord de la guerre civile.
    La consultation avait tourné à la chamaillerie. Un vrai
cauchemar ! La réunion de ce jour avait pour but d’en tirer les
conclusions politiques. On dut cependant bouleverser l’agenda en toute dernière
minute. Raison invoquée : l’aggravation de la situation internationale.
Devant ses collègues du cabinet, sir Edward lisait à présent de sa voix
lente et grave le document que venaient de lui transcrire ses services du
Foreign Office : la note de l’Autriche-Hongrie à la Serbie.
    Les ministres en restèrent abasourdis. De toute leur vie
politique, ils n’avaient jamais rien entendu de tel. Il leur semblait
impossible qu’un État pût accepter un tel ultimatum !
    Grey s’abstint de tout commentaire. Le Premier ministre
Asquith prit la parole :
    — Heureusement, gentlemen, il n’y a apparemment aucune
raison pour que nous soyons davantage que de simples spectateurs [147] …
    Asquith et sa prudence légendaire ! Son propos n’en
reflétait pas moins très exactement la position officielle de Londres. Elle
rencontrait aussi l’assentiment de la majorité de ses ministres. À commencer
par lord Morley, ce vieux gladstonien, « pacifiste de cœur »
comme il n’hésitait pas se proclamer. Eût-elle été consultée, l’opinion
publique anglaise aurait été sans doute du même avis. C’était d’ailleurs le bon
sens même. L’Angleterre n’avait strictement aucun intérêt dans cette affaire
qui tournait à l’histoire de fous.
    Assis à la gauche de Grey, Winston Churchill demeura
dubitatif. Un peu plus tard, il consignerait dans son Journal personnel :
    « Les comtés de Fermanagh et Tyrone s’estompèrent dans
les brumes et les bourrasques de l’Irlande, tandis qu’une étrange lueur
apparaissait et s’étendait sur la carte de l’Europe [148] . »
    Churchill finit par prendre la parole car il ne pouvait tout
simplement pas s’en empêcher. Asquith lui jeta un regard bienveillant, presque
paternel. Dans sa lettre quasi quotidienne à sa maîtresse Venetia Stanley, il
écrirait : « Certains de ses propos improvisés n’avaient pas de prix.
C’est une merveilleuse créature avec la curieuse simplicité d’un écolier et quelque
chose qui ressemble à cette

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