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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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Adolphe Messimy ou
Louis Malvy ne valaient guère mieux. Ah ! Où étaient les hommes forts de
la République, ceux qu’on reconnaît dans les grands orages, les Clemenceau,
Briand, Caillaux ?
    Seul le chef de l’État semblait conserver son sang-froid,
dirigeant les débats du Conseil avec méthode et précision. L’ordre du jour
était compliqué. On faillit se perdre dans les méandres budgétaires. Certains
ministres se demandaient quand le Parlement allait être convoqué en session
extraordinaire. D’autres évoquaient la nécessité de proclamer l’état de siège.
    Dans l’antichambre, le général Joffre patientait encore et
toujours. Même au repos, assis sur sa chaise, il était impressionnant, son gros
buste tassé sur ses cuisses puissantes et son air faussement placide. Débordant
du siège, sa culotte rouge ne faisait pas de pli. La plupart – Berthelot
en faisait partie – remarquaient sa grosse tête solide et carrée. Le jeune
attaché qu’était Paul Morand se montrait, quant à lui, fasciné par le
postérieur massif du général : « Comme le derrière de cet homme donne
confiance [247]  ! »
    Joffre n’avait eu qu’une demi-satisfaction la veille.
Opiniâtre, il continuait de se battre pour que soit mis en route l’ordre de
couverture totale des troupes, sans réserve cette fois.
    À midi sonnant, le Conseil des ministres était loin d’avoir
épuisé l’ordre du jour. Il fut décidé d’interrompre les travaux pour les
reprendre derechef à dix-sept heures.
    À quatorze heures on apprit à Paris la nouvelle de
l’ultimatum allemand à la Russie. Le gouvernement français ne savait toujours
pas que le tsar avait décidé la veille la mobilisation générale. Détenteur de
nouvelles informations sur les mouvements militaires allemands, Joffre se mit à
rédiger une note encore plus pressante. Il la remettrait au ministre de la
Guerre, rue Saint-Dominique, juste avant que celui-ci ne reparte pour le
Conseil des ministres.
    Il était seize heures lorsque l’ambassadeur autrichien
Szecsen s’en vint trouver Viviani pour lui prodiguer des paroles rassurantes
sur les intentions pacifiques de son pays. Il ne fut pas cru. Un peu plus tard,
peu avant d’aller dîner au Cercle de l’Union, l’ambassadeur viendrait plaider
sa cause auprès de Margerie. Il ne serait pas cru davantage.
    Au Conseil des ministres, Messimy arriva en retard, hors de
lui. Un ami banquier hollandais venait de lui annoncer la proclamation
prochaine par Berlin de la « menace du danger de guerre ». Encore
sous le coup de l’émotion, il s’exclama :
    — C’est une forme hypocrite de mobilisation ! Il
va y avoir la guerre et l’Allemagne tout entière y est prête, de l’empereur
jusqu’au dernier Fritz [248]  !
    Viviani ne s’éternisa guère au Conseil. Il devait filer au
Quai d’Orsay où l’ambassadeur d’Allemagne von Schoen lui avait fait
demander audience. Le chef du gouvernement eut néanmoins le temps de faire
approuver la demande de Joffre :
    — La demande du chef de l’état-major est légitime. Nous
devons y faire droit, sauf pour le moment en ce qui concerne le rappel des
réservistes.
    Joffre ne demanda pas son reste. Une demi-heure plus tard,
il expédiait un télégramme du ministère de la Guerre : « Faites
partir troupes de couverture. Heure initiale fixée à vingt et une heures [249] . »
    Au Quai d’Orsay, René Viviani et Pierre de Margerie
écoutaient avec attention l’ambassadeur von Schoen, dont c’était la
onzième visite en une semaine, exposer le point de vue de Berlin. L’armée et la
flotte russes avaient mobilisé. Un ultimatum avait été adressé en conséquence à
Saint-Pétersbourg. Von Schoen ajouta :
    — J’ai pour instruction de vous demander quelle serait
l’attitude de la France dans l’hypothèse d’un conflit armé entre la Russie et
l’Allemagne.
    Les deux Français évitèrent de se regarder à cet instant
précis. Chacun savait bien que c’était un ultimatum, le second du genre après
celui délivré à la Russie. Mais déjà, l’ambassadeur se levait comme mû par une
nécessité impérieuse. Saisissant vivement son chapeau, il se retourna :
    — Demain 1 er  août à midi, je viendrai
chercher la réponse à ma question. Je vous demande respectueusement qu’on me
prépare mes passeports.
    Pierre de Margerie accusa le coup. Il connaissait Schoen
depuis plus de vingt-cinq ans. Tous deux avaient été en poste

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