1940-De l'abîme a l'espérance
un appel à tous les Français et d’abord aux anciens combattants pour qu’ils fleurissent, le 11 novembre, la dalle sacrée du tombeau du soldat inconnu.
On lit que les autorités d’occupation ont prohibé sous toutes ses formes l’expression d’un souvenir insultant pour le Reich et attentatoire à l’honneur de la Wehrmacht.
Et cette affiche de la Kommandantur indigne, révolte. On en discute dans les cafés, les cours des lycées, les couloirs de la Sorbonne, dans tout le Quartier latin.
On confirme que la Commission de censure a édicté que l’évocation du 11 novembre ne pourrait pas dépasser deux colonnes dans les quotidiens.
Ces journaux publient un communiqué de la préfecture de police de Paris qui fait écho à celui de la Kommandantur :
« Les administrations publiques, peut-on lire, et les entreprises privées travailleront normalement le 11 novembre, à Paris et dans le département de la Seine.
« Les cérémonies commémoratives n’auront pas lieu.
« Aucune démonstration publique ne sera tolérée. »
La colère et l’indignation embrasent le Quartier latin. Elles se répandent dans les grands lycées. Les étudiants qui ont participé à la manifestation du 8 novembre devant le Collège de France – presque tous communistes – et des lycéens – souvent d’Action française – des lycées Janson-de-Sailly, Buffon, Condorcet, Carnot, décident de rédiger et d’imprimer des tracts, de coller des « papillons » dans les lycées, les facultés, invitant les élèves et les étudiants à manifester.
« Étudiant de France
« Le 11 novembre est resté pour toi un jour de fête nationale.
« Malgré l’ordre des autorités opprimantes il sera jour de recueillement.
« Tu iras honorer le soldat inconnu à 17 h 30.
« Tu n’assisteras à aucun cours.
« Le 11 novembre 1918 fut le jour d’une grande victoire.
« Le 11 novembre 1940 sera le signal d’une plus grande encore.
« Tous les étudiants sont solidaires pour que Vive la France.
« Recopie ces lignes et diffuse-les. »
Tout commence le matin du 11 novembre.
On dépose des fleurs à la statue de Strasbourg, place de la Concorde.
Puis, au fil des heures, la foule remonte les Champs-Élysées, fleurit de mille bouquets, de couronnes, la statue de Georges Clemenceau.
Un commissaire de police répète d’une voix douce : « Allons, pas d’attroupements, je vous en prie, c’est interdit. »
Soudain, des soldats allemands sautent d’une voiture, entourent la statue.
« Le commandant allemand ne veut pas de manifestation, répète le commissaire, il faut que ça finisse. »
Et tout à coup, à partir de 17 heures, des milliers de collégiens, de lycéens, des centaines d’étudiants emplissent l’esplanade de l’Arc de triomphe. D’autres arrivent en cortège, drapeau tricolore en tête, par l’avenue Victor-Hugo.
Des coups de feu éclatent.
Les véhicules chargés de soldats allemands zigzaguent sur la chaussée, les trottoirs, dispersent les manifestants.
Il y a des blessés. Des manifestants sont jetés dans les véhicules. Des SS, arme au poing, jaillissent du cinéma Le Biarritz.
Des coups de feu, des rafales à nouveau.
On chante La Marseillaise , puis le Chant du départ.
On crie « Vive la France », « À bas Pétain », « À bas Hitler ».
Les Allemands mettent des mitrailleuses en batterie, donnent des coups de crosse.
On se bat.
On assure qu’il y a une dizaine de morts, une centaine d’arrestations.
Ceux qu’on a jetés dans des camions bâchés, qu’on a conduits avenue de l’Opéra, où se trouve une Kommandantur, puis à la prison du Cherche-Midi, ont été roués de coups de poing et de pied, puis frappés à la matraque, avec la crosse des fusils.
Ils sont passés entre deux haies de soldats ivres. On les a fouettés. Certains ont été collés contre un mur, mis en joue par un peloton d’exécution dans la cour de la prison du Cherche-Midi.
Puis un général a fait irruption dans la cour. Il s’est mis à frapper les soldats, en les insultant :
« Ivrognes, bande d’ivrognes. »
En voyant les lycéens, les collégiens, les étudiants, il s’est indigné : « Mais ce sont des enfants ! »
Ce n’est que le samedi 16 novembre que la radio et la presse évoquent « ces manifestations qui ont rendu nécessaire l’intervention des services d’ordre des autorités
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