1940-De l'abîme a l'espérance
tenue.
« Je suis heureux de serrer la main d’un Français qui n’est pas responsable de cette guerre », dit le Führer.
Les photographes et les caméras des actualités cinématographiques opèrent longuement.
La Propaganda Staffel diffusera ces images qui vont stupéfier les spectateurs dans les salles de cinéma.
Pas un sifflet, pas un applaudissement : le public est terrassé, comme figé par la foudre.
Pétain affirme avoir seulement effleuré la main de Hitler du bout des doigts. Mais les images sont là qui signifient autre chose : Pétain et Hitler se reconnaissent, s’entendent.
En fait, Pétain se dérobe. Il ne fera pas la guerre à l’Angleterre.
« Mon pays a trop souffert moralement et matériellement pour se lancer dans un nouveau conflit », dit-il.
Mais, soucieux de ne pas heurter Hitler, il concède dans des accords qui doivent rester rigoureusement secrets que « la France et les puissances de l’Axe ont un intérêt identique à voir se consommer le plus tôt possible la défaite de l’Angleterre. En conséquence, le gouvernement français soutiendra dans la limite de ses possibilités les mesures que les puissances de l’Axe seraient amenées à prendre à cet effet. »
Hitler affirme que la France aura sa place dans l’Europe nouvelle. Et il souhaite que le maréchal Pétain dans un Message aux Français prône la politique de collaboration. Laval intervient :
« Grâce à l’offre du Führer, dit-il, la France cesse d’être devant un mur sans issue… Cependant, malgré le désir que j’en ai personnellement, je dois reconnaître qu’il est difficile de déclarer la guerre à l’Angleterre. Il faut accoutumer l’opinion publique à cette idée et puis il nous faut le consentement de l’Assemblée nationale. »
Le samedi 26 octobre, le Maréchal, rentré la veille à Vichy, rend compte de l’entretien devant le Conseil des ministres.
Tout dans son attitude montre qu’il n’accorde pas une importance majeure à cette rencontre.
« Hitler a parlé tout le temps, dit-il. Je n’ai pris aucun engagement. La collaboration est un pacte de cohabitation entre la puissance occupée et la puissance occupante. Montoire n’est qu’une prise de contact. »
Quelques semaines plus tard, à la question qu’un nouveau ministre lui pose :
« À Montoire, qu’est-ce qui s’est passé, monsieur le Maréchal ? »
Pétain répond :
« À Montoire ? Rien.
— Tout de même, il y a eu quelque chose.
— Le chancelier m’a demandé si je voulais collaborer. Oui, je veux bien, mais il faudrait que l’on me dise ce que c’est que collaborer. Hitler a dit encore “on verra”. Et c’est tout, conclut le Maréchal.
— Mais dans la pratique, comment cela va-t-il se traduire ?
— Vous connaissez mes sentiments, faites-moi confiance. D’abord, cette politique n’implique aucun changement dans mes rapports avec nos anciens alliés. »
Mais pendant que Hitler rencontre Mussolini à Florence, le lundi 28 octobre, et qu’il est accablé par la décision prise par le Duce d’envahir la Grèce, ce jour même, l’image de la poignée de main Hitler-Pétain fait le tour du monde. Les réserves mentales de Pétain n’effacent ni les images, ni les accords secrets, ni les engagements pris par Laval, ni l’imitation par Vichy de la politique antisémite nazie.
Et le mercredi 30 octobre, Pétain prononce ce Message aux Français, exécutant ainsi une exigence de Hitler.
Il dit :
« C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration.
« Cette collaboration doit être sincère…
« Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C’est moi seul que l’Histoire jugera.
« Je vous ai tenu jusqu’ici le langage d’un père ; je vous tiens aujourd’hui le langage du chef.
« Suivez-moi.
« Gardez votre confiance en la France éternelle ! »
Dans cette poignée de main avec Hitler, il ne donne pas que le bout des doigts.
Il fait « don de sa personne » à sa politique de collaboration.
En Angleterre, Daniel Cordier a écouté en direct ce discours retransmis par la BBC.
« Projet misérable confirmant que la capitulation a bien été une trahison.
« Ce discours est le second après
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