1940-De l'abîme a l'espérance
allemande dont l’axe principal a été modifié.
Les divisions de Panzers sont concentrées dans le Sud, et les positions qu’elles ont prises, comme celles occupées par les unités d’infanterie, indiquent qu’elles attaqueront entre Sedan et Namur, à la charnière du dispositif français.
Là, il n’y a que l’obstacle des Ardennes.
La ligne Maginot et ses casemates n’ont pas été prolongées jusque-là.
Des informations transmises par les services de renseignements belges sont encore plus précises.
Le général belge Van Overstraeten écrit :
« La principale poussée s’exerce sur les Ardennes en direction de Dinant, Saint-Quentin, dans le dessein de couper de Paris les armées alliées en Belgique et de les encercler dans le Pas-de-Calais. »
Le contre-espionnage français signale qu’il a appris que les services de renseignements de la Wehrmacht étudient les itinéraires de Sedan à Abbeville, à l’embouchure de la Somme.
Les Allemands déterminent les charges que les ponts peuvent supporter, la qualité des routes, l’importance des obstacles fluviaux.
Or la 9 e armée française, qui devrait protéger la charnière et faire face à cette poussée puissante, est composée de réservistes âgés, mal pourvue en combattants de première ligne. Elle n’est dotée ni de blindés ni de canons antichars et antiaériens.
Elle a été placée là, derrière Sedan, parce que le généralissime Gamelin estime les Ardennes infranchissables.
Et rien ne le fait changer d’avis.
Il néglige l’information transmise par l’attaché militaire français à Berne qui annonce que l’offensive est prévue dans la période du 8 au 10 mai. Elle serait concentrée sur Sedan.
Gamelin ne réagit pas.
Il n’est pas ébranlé quand on lui transmet les photographies prises par le pilote Antoine de Saint-Exupéry.
L’écrivain, mobilisé, a repéré huit ponts de bateaux jetés sur le Rhin par le génie allemand, entre Bonn et Bingen.
On repère d’autres ponts sur la Moselle, à la frontière de l’Allemagne. Ils attestent que c’est dans cette direction que frapperont Panzers et troupes motorisées.
Mais Gamelin reste immobile.
De Gaulle rencontre le généralissime qui a installé son état-major au château de Vincennes.
Gamelin lui confirme, bien que de Gaulle ne soit que colonel, qu’on va lui attribuer le commandement de la 4 e division cuirassée en formation, un poste qui aurait dû revenir à un général.
De Gaulle dit sa fierté.
Il sait que Paul Reynaud a pesé pour qu’on lui accorde ce commandement.
Il écoute Gamelin qui, dévoilant une carte, annonce qu’il s’attend à une attaque allemande dans les prochaines semaines. Il est prêt. Il fera entrer ses troupes en Belgique. Il est sûr de lui.
Et si l’attaque se portait sur la Meuse, à Sedan, interroge de Gaulle.
Gamelin le dévisage longuement.
« Je comprends votre satisfaction, dit-il. Quant à votre inquiétude, je ne la crois pas justifiée. »
De Gaulle salue, traverse les salles silencieuses.
Il a l’impression de se trouver dans un couvent. Il s’étonne.
Le général Gamelin a choisi de partager son quartier général en trois : au sien s’ajoute celui du général Georges à La Ferté-sous-Jouarre, le plus à l’est ; et celui du général Doumenc et les services administratifs sont à Montry.
Comment peut-on commander en chef dans ces conditions ?
De Gaulle s’éloigne, mal à l’aise.
Il respecte l’intelligence, l’esprit de finesse, l’estime de soi de ce grand chef, mais Gamelin s’apprête dans son « cloître à assumer tout à coup une responsabilité immense en jouant le tout pour le tout sur un plateau » que de Gaulle estime mauvais.
Mais alors qu’il regagne Wangenbourg, ses bataillons de chars, qu’il continue de commander dans l’attente de la constitution de cette 4 e division cuirassée qu’on lui a attribuée, de Gaulle médite sur cette étrange période que traverse l’Europe.
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