1940-De l'abîme a l'espérance
l’artillerie française installée sur la rive ouest ; plusieurs chars atteints se trouvent sur la route conduisant à la Meuse. Le bruit de la bataille monte de la vallée. De minute en minute, le tir ennemi devient plus gênant. Un de nos bateaux en caoutchouc, qui a subi des avaries, dérive devant nos yeux ; un homme s’y cramponne grièvement blessé, hurlant au secours. Le malheureux est en train de se noyer, mais nous ne pouvons rien faire pour lui : le tir ennemi est trop nourri. »
Rommel se redresse en dépit des rafales :
« Je prends personnellement le commandement du II e bataillon du VII e fusiliers et je dirige moi-même les opérations pendant quelque temps. »
Il réussit à établir une tête de pont, sur la rive ouest de la Meuse.
C’est là, sur les rives de ce fleuve, que se joue le sort de l’offensive allemande.
De Gaulle le sait, lui qui, au Vésinet, s’impatiente ces 13 et 14 mai, attendant ses chars lourds, jaugeant les uns après les autres, souvent avec sévérité, les officiers qui vont commander sous ses ordres « sa » 4 e division blindée.
Enfin, il va pouvoir mettre en œuvre, sur le terrain, les conceptions stratégiques qu’il martèle en vain depuis les années trente.
Mais il est bien tard.
Au début de l’après-midi du lundi 13 mai, les Panzers du général Guderian, qui ont pris Sedan dans la nuit, attendent, tapis sur la rive est de la Meuse. La Luftwaffe écrase sous ses bombes les positions françaises, interdisant ainsi aux artilleurs français de tenir le fleuve sous le feu de leurs canons. Car Guderian veut tenter la traversée de la Meuse sans attendre l’arrivée du corps d’armée d’infanterie.
Il se contentera des troupes qui accompagnent les Panzers.
À 16 heures, l’assaut est donné. Les Français, écrasés par les attaques des Stuka, réagissent faiblement.
À minuit, l’avance est de 8 kilomètres. Les sapeurs achèvent la construction d’un pont de bateaux et les Panzers commencent à s’engouffrer dans la brèche.
La tête de pont est précaire, mais Guderian sait que la vitesse et la surprise sont décisives.
Le front est en effet crevé. Trois divisions de Panzers s’enfoncent dans la brèche, bientôt large d’une centaine de kilomètres. Les 1 800 blindés allemands, entraînés par l’initiative de Guderian, s’élancent vers l’ouest, vers Péronne, Cambrai, la Manche.
C’est la débâcle qui s’annonce.
La « charnière » est brisée. Entre les armées françaises, les Panzers enfoncent leur coin de fer et de feu. Et c’est la menace d’enfermer les troupes alliées entrées en Belgique qui devient réalité.
La panique saisit les troupes qui résistent encore dans les forêts qui dominent la Meuse. Elles ont subi les bombardements en piqué des Stuka. Elles se sont terrées. Et tout à coup, la rumeur se répand que les chars avancent. « Ils sont là, ils sont là », les soldats jettent leurs armes. Les officiers ont souvent fui les premiers.
Ceux qui tentent d’arrêter les fuyards, de placer des camions sur la route pour les empêcher de déferler, sont bousculés, écartés, contournés.
En quelques heures, ces 13 et 14 mai, la 55 e division d’infanterie avec son artillerie puissante a presque cessé d’exister.
Ceux qui s’enfuient ainsi, abandonnés par leurs officiers, marchent sans se retourner vers Reims, à 90 kilomètres de là, la peur aux trousses.
Le général Gamelin, de son donjon de Vincennes, téléphone le mardi 14 mai au ministre de la Défense. Et Daladier ne sait que répéter que ce n’est pas possible, que c’est impensable, quand Gamelin lui annonce que la défense française est enfoncée, que les blindés allemands foncent sur Paris et qu’il n’a aucune réserve pour protéger la capitale.
Daladier, atterré, presque aphone, alerte aussitôt Paul Reynaud.
Mais les Panzers ne se dirigent pas vers Paris mais vers le nord, afin de serrer le nœud coulant, de fermer la nasse.
Là est l’objectif de Hitler et de ses généraux.
Dans la matinée du mardi 14 mai, alors que des négociations ont commencé entre Allemands et Néerlandais pour la reddition de Rotterdam, la Luftwaffe écrase le centre de la ville sous les bombes.
Il s’agit de terroriser : on dénombre 800 morts, plusieurs milliers de blessés, et près de 100 000 personnes sont sans abri.
La radio allemande répète d’une voix
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