1940-De l'abîme a l'espérance
garder des prisonniers, il leur ordonne de marcher vers l’est, « mais, note-t-il, ils disparaissent dans les buissons dès que nous allons en avant ».
Et puis il y a des îlots de résistance, de lourds chars français – les B1, les Renault R35 – surgissent. Les obus antichars ricochent sur leur blindage de 40 à 60 mm qui ne peut être percé.
L’esprit de sacrifice, un héroïsme désespéré animent ces hommes qui affrontent les Panzerdivisionen.
Dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mai, de Gaulle écrit à son épouse :
« Ma chère petite femme chérie,
« Me voici en pleine bagarre… Les événements sont très sérieux. J’ai confiance que nous parviendrons à les dominer. Cependant il faut s’attendre à tout. Rien de bien urgent… Assure-toi très discrètement d’un moyen de transport éventuel… »
Le vendredi 17 mai, dans le brouillard dense de l’aube, de Gaulle lance ses chars à l’attaque, afin de s’emparer du nœud de communication de Montcornet.
C’est fait après quelques heures de combat. Mais dans l’après-midi, les Stuka apparaissent, des unités de Panzers arrivent en renfort. Aucune panique chez les tankistes.
« Il se dégage une impression d’ardeur générale, note de Gaulle. Allons les sources ne sont pas taries. »
La division a fait plus d’une centaine de prisonniers. Cependant, au terme de trois jours de combats, dans le secteur de la vallée de l’Aisne et d’Abbeville, elle a perdu 92 chars sur les 137 engagés.
Mais elle a vaincu, et on interviewe de Gaulle pour l’émission quotidienne Le Quart d’heure du soldat.
Dans la débâcle, sa division est la seule à avoir lancé une offensive et remporté des succès.
De Gaulle ignore les micros. Il parle tout en regardant le ciel de France d’un bleu immaculé, tendu au-dessus du porche de l’église de Savigny-sur-Ardres.
Nous sommes le mardi 21 mai 1940, c’est la première fois qu’il s’adresse au pays.
« C’est la guerre mécanique qui a commencé le 10 mai, dit-il. L’engin mécanique, avion ou char, est l’élément principal de la force. L’ennemi a remporté sur nous un avantage initial. Pourquoi ? Uniquement parce qu’il a plus tôt et plus complètement que nous mis à profit cette vérité.
« Le chef qui vous parle a l’honneur de commander une division cuirassée française. Cette division vient de durement combattre, eh bien, on peut dire très simplement, très gravement – sans nulle vantardise – que cette division a dominé le champ de bataille de la première à la dernière heure du combat.
« Tous ceux qui y servent ont retiré de cette expérience la confiance dans la puissance d’un tel instrument.
« C’est cela qu’il nous faut pour vaincre. Grâce à cela, nous avons déjà vaincu sur un point de la ligne.
« Grâce à cela, nous vaincrons un jour, nous vaincrons sur toute la ligne. »
De Gaulle est serein. Tout est clair, ordonné dans sa tête. L’analyse des défaites et la certitude de la victoire.
Il écrit à sa « chère petite femme chérie ».
« Je t’écris au sortir d’une longue et dure bagarre qui s’est d’ailleurs très bien déroulée pour moi. Ma division se forme en combattant et l’on ne me refuse pas les moyens car si l’atmosphère générale est mauvaise, elle est excellente pour ton mari. »
Paul Reynaud a signé un arrêté l’élevant au grade de général de brigade à titre temporaire à compter du 1 er juin.
Il est cité à l’ordre de l’armée.
« Chef admirable de cran et d’énergie, a attaqué avec sa division la tête de pont d’Abbeville, a rompu la résistance allemande et progressé de 14 kilomètres à travers les lignes ennemies faisant des centaines de prisonniers et capturant un matériel considérable. »
La citation est signée Weygand, car Paul Reynaud, les samedi 18 et dimanche 19 mai, a procédé à un remaniement qu’il veut décisif.
Le maréchal Pétain est devenu numéro deux du gouvernement, ministre d’État et vice-président du Conseil. Georges Mandel, ancien collaborateur de Clemenceau, a été nommé ministre de l’Intérieur, Daladier ministre des Affaires étrangères.
Paul Reynaud se charge du ministère de la Guerre et limoge le général Gamelin, remplacé par le général Weygand.
La presse s’enthousiasme. « Ce remaniement ministériel a un sens, peut-on lire dans L’Ère nouvelle. Ce sens tient en un
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