1940-De l'abîme a l'espérance
nom, celui de Pétain. Le glorieux vainqueur de Verdun est là… Il peut tout demander à la France. La France qui se reconnaît en lui le suivra. »
On se félicite aussi de la nomination du général Weygand qui fut le bras droit de Foch. Et que Pétain ait quatre-vingt-quatre ans, Weygand soixante-treize, alors que les généraux de la Wehrmacht ont souvent moins de cinquante ans, importe peu.
On ne veut pas savoir que Weygand a confié à Gamelin qu’il fallait « changer tout ce trafic de la politique ». En fait, Weygand méprise ces hommes politiques, Blum, Reynaud, Mandel, Daladier, qui incarnent un régime républicain détestable, symbole de l’impuissance et du désordre.
Quant à Pétain, il porte depuis les années trente l’espoir des Croix-de-Feu et autres ligueurs d’extrême droite. Il a longuement vu Goering en 1934. On l’a choisi pour le poste d’ambassadeur en Espagne parce que les « franquistes » l’admirent et le savent proche de leurs idées. Il est une sorte de Franco qui attend prudemment son heure. Dès 1938, Pierre Laval a confié à un diplomate italien qu’il prépare un gouvernement dont le Maréchal serait la figure emblématique, et lui l’instigateur et le chef.
La brochure d’extrême droite C’est Pétain qu’il nous faut a été répandue, en 1936, à des dizaines de milliers d’exemplaires.
On peut y lire : « Attention, il s’agit d’une dictature de salut public, confiée à Pétain, à Pétain seul, à charge pour lui de choisir son équipe et de proposer une nouvelle Constitution à base corporative où l’autorité du chef de l’État soit de telle sorte qu’on la sente passer. »
Il se murmure que Pétain et Weygand, dès ces derniers jours de mai, ont le sentiment que la partie est perdue, qu’il faut sauver ce qu’il reste de l’armée, pour lui permettre de maintenir l’ordre dans le pays, menacé par les troubles de la rue organisés par les communistes.
Le Maréchal et le général estiment que l’on fait appel à eux pour imposer l’armistice. Leurs références historiques, c’est 1870 plus que 1914-1918. Ils craignent une Commune de Paris. Ils sont prêts à négocier avec Hitler, qui n’est à leurs yeux que le successeur de Bismarck… Ils maudissent ces hommes politiques qui ont dilapidé les fruits de la victoire de 1918.
Ainsi, personne ne rappelle l’antirépublicanisme sournois et les ambitions politiques de Pétain. Les journaux exaltent au contraire le « rempart vivant de la patrie » que constitue le nouveau gouvernement qui fait revivre « la grande mémoire de Clemenceau ».
Seul, évoquant le nouveau ministre de l’Intérieur, Georges Mandel, l’hebdomadaire d’extrême droite Je suis partout écrit : « À une guerre juive, il fallait un Clemenceau juif ! »
Paul Reynaud semble ne pas se soucier de ces faits.
À la radio, il déclare solennellement que le maréchal Pétain restera à ses côtés jusqu’à la victoire.
« Chaque Français, qu’il soit aux armées ou à l’intérieur, doit faire ce soir avec moi le serment solennel de vaincre », conclut Reynaud. Il souligne qu’il a choisi d’être « ministre de la Guerre et de la Défense nationale, parce que le chef de gouvernement doit être placé au poste le plus exposé ».
Mais derrière la pompe des discours, la réalité implacable grimace.
Les chars de Guderian ont dépassé Amiens.
Le lundi 20, ils ont atteint la Manche, coupant ainsi les communications des armées alliées en Belgique.
Puis les Panzers remontent vers le nord, en direction des ports et des arrières de l’armée anglaise. Lord Gort donne l’ordre de se replier et d’abandonner Arras, de gagner Dunkerque. Mais les blindés de Guderian et de Reinhardt sont à Gravelines, à 15 kilomètres de là.
Et les succès de De Gaulle, à Montcornet et à Abbeville, le sacrifice dans les brèves contre-offensives des blindés français, n’empêchent pas le déferlement des Panzerdivisionen.
De Gaulle ne peut étouffer sa colère quand il apprend que Reynaud, au lieu de prendre des mesures radicales, a fait appel à Pétain et à Weygand qui l’un et l’autre ont empêché toute réforme du système militaire.
Pétain portant, lui, l’icône vénérée, une responsabilité majeure, puisqu’il a soutenu l’idée que les Ardennes suffiraient à interdire toute avance ennemie.
De Gaulle l’a beaucoup côtoyé, lui doit une
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