1940-De l'abîme a l'espérance
l’heure, la guerre continue, et la débâcle draine des millions de réfugiés et de soldats sur les routes du nord et de l’est de la France.
Rommel peut écrire à sa « très chère Lu » alors qu’il roule en direction de Lille, après la prise d’Arras :
« Après quelques heures de sommeil, voici le moment, de vous écrire. Pour ma division c’est un triomphe. Tout va bien, la santé et le reste. Dinant, Philippeville, la percée de la ligne Maginot, une avance à travers la France de 65 kilomètres en une nuit, jusqu’au Cateau, puis Cambrai, Arras, toujours loin en avant de tout le monde. À présent, c’est la chasse aux soixante divisions britanniques, françaises et belges encerclées. Ne vous faites pas de souci pour moi. Comme je vois les choses, la guerre en France pourrait être terminée dans une quinzaine. Forme splendide. Sur la brèche du matin jusqu’à la nuit, bien entendu. Beau temps, un peu trop de soleil peut-être. »
Rien ne semble pouvoir arrêter les Panzers. Leurs généraux – Guderian, Reinhardt, Rommel – estiment qu’un assaut contre le camp retranché de Dunkerque percera la faible ligne de défense.
Et tout à coup, l’ordre de cesser d’avancer, d’attaquer, leur parvient.
Le général Halder note dans son journal :
« L’aile gauche composée de forces blindées et motorisées, qui n’a aucun ennemi devant elle, sera donc arrêtée sur ses positions sur l’ordre direct du Führer. Il reviendra à la Luftwaffe d’achever l’armée ennemie encerclée. »
Halder se souvient qu’après le franchissement de la Meuse, il y a à peine une douzaine de jours, il avait noté dans son journal : « Journée assez désagréable. Le Führer est terriblement nerveux. Effrayé par son propre succès. Il craint de prendre des risques et aurait plutôt tendance à nous freiner. »
Cette fois-ci, Halder comprend que la décision de Hitler a d’autres causes.
Le vendredi 24 mai au matin, le Führer se rend au quartier général de von Rundstedt. Il est d’excellente humeur. Il reconnaît que le déroulement de la campagne a été un « véritable miracle ». Il pense que la guerre sera finie dans six semaines. Il souhaite ensuite conclure une paix raisonnable avec la France, et la voie serait alors libre pour un accord avec la Grande-Bretagne. Devant les officiers stupéfaits, il parle avec admiration de l’Empire britannique, de la nécessité de son existence et de la civilisation que l’Angleterre a apportée au monde. Il compare l’Empire britannique et l’Église catholique… Il conclut en disant que son but est de « faire la paix avec l’Angleterre sur une base qu’elle considérerait comme compatible avec son honneur ».
Est-ce pour ménager Londres que Hitler retient les Panzers durant deux jours, permettant à l’opération Dynamo de commencer, aux troupes britanniques d’embarquer sur ces centaines de navires, de tout tonnage ?
D’autres généraux – Jodl, Warlimont, Kleist, Guderian –, qui ont rencontré Hitler, avancent d’autres raisons.
« Hitler craint que les blindés ne puissent opérer dans les marais des Flandres sans lourdes pertes. Or il veut conserver ces Panzers pour l’offensive finale contre la France », dit Jodl.
Guderian ajoute que c’est « la vanité de Goering qui provoque cette décision ». Goering, à la tête de la Luftwaffe, a assuré Hitler que les bombardements aériens suffiraient à écraser les troupes encerclées à Dunkerque.
Mais elles commencent à embarquer dans l’après-midi du dimanche 26 mai, alors que le roi Léopold III de Belgique se prépare à capituler et que les divisions de Panzers sont autorisées par le Führer à reprendre la progression.
Ce dimanche 26 mai, Rommel écrit :
« Très chère Lu,
« Un jour ou deux sans combat nous ont fait grand bien. La division a perdu en tout 27 officiers tués et 33 blessés, et 1 500 hommes tués et blessés. Cela fait dans les 12 % de pertes. C’est très peu comparativement à ce que nous avons accompli. Le plus mauvais est passé. Il est peu probable qu’il y ait encore de durs combats, car nous avons proprement houspillé l’ennemi. Nourriture, boissons et sommeil, tout est redevenu normal. »
Ce même jour, Paul Reynaud est à Londres.
Il informe le cabinet britannique de la situation militaire, évoque les conséquences d’une défaite, mais s’interrompt, face au refus des
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