1940-De l'abîme a l'espérance
refusent de verser à la France les réparations fixées par le traité de Versailles.
« Le Boche paiera », avaient répété les politiciens français. Mais Berlin se dérobe, et la crise économique et financière de 1929 libère des ferments de violence, déjà présents dans tous les pays européens.
En fait, la Première Guerre mondiale a ébranlé tous les continents, détruit les règles morales.
On a tué pendant quatre ans. En masse et sauvagement.
Les hommes, sous l’uniforme, ont appris à vivre en « rang », à marcher au pas, à partager la violence, le meurtre légal.
Le fascisme et le nazisme sont sortis de ce chaudron de sorcières qu’est la guerre.
Dès les années vingt, les adhérents des partis fasciste et nazi, mais aussi ceux des partis socialistes, comme les membres des associations d’anciens combattants défilent en « uniforme ». C’est le temps des chemises noires, brunes, rouges, bleues… Les anciens combattants recherchent la fraternité des tranchées. Ceux qui ont été en première ligne forment en France le mouvement des Croix-de-Feu.
On se bat contre les communistes. La guerre civile est une hypothèse réaliste.
Qu’est devenue la civilisation européenne ?
Un célèbre écrivain français, Romain Rolland, avait choisi durant la guerre de vivre en Suisse, y écrivant un livre, Au-dessus de la mêlée, dans lequel il analysait la guerre de 14-18 comme une guerre civile européenne, suicidaire.
Il osait écrire, évoquant les Français, les Anglais, les Allemands :
« Les trois plus grands peuples d’Occident, les gardiens de la civilisation s’acharnent à leur ruine et appellent à la rescousse les Cosaques et les Turcs, les Japonais, les Cinghalais, les Soudanais, les Sénégalais, les Marocains, les Égyptiens, les Sikhs et les Cipayes, les barbares du Pôle et ceux de l’Équateur, les âmes et les peaux de toutes couleurs.
« On dirait l’Empire romain au temps de la Tétrarchie, faisant appel pour s’entredévorer aux hordes de tout l’univers.
« Notre civilisation est-elle donc si solide que vous ne craigniez pas d’ébranler ses piliers ?
« Est-ce que vous ne voyez pas que si une seule colonne est minée, tout s’écroule sur vous ? »
La crise de 1929, avec ces millions de chômeurs en Europe, ces longues queues d’affamés devant les « soupes populaires », ce désespoir qui ronge les sociétés ; ces banques, ces monnaies – le Mark ! – qui s’effondrent, ces tensions internationales qui résultent des politiques économiques choisies – le protectionnisme, le chacun pour soi – poussent à l’affrontement violent.
On écoute ceux qui dénoncent des coupables. C’est un sombre « Moyen Âge » qui commence. Les Juifs – ces financiers, ces profiteurs, ces banquiers, dit-on – sont les boucs émissaires traditionnels, calomniés, menacés.
En Allemagne, le parti nazi de Hitler ajoute à cet antisémitisme la dénonciation du Diktat de Versailles.
Ainsi le nationalisme, le racisme, le désir de revanche, se nourrissent de la crise.
Hitler accuse les « Judéo-bolcheviks », les « richards », « capitalistes de Londres et de Paris ».
Dès son arrivée au pouvoir le 30 janvier 1933, l’Allemagne va quitter la Société des Nations, rejeter les clauses du traité de Versailles, rétablir le service militaire obligatoire, remilitariser la Rhénanie, réclamer le droit pour les Sudètes de quitter la Tchécoslovaquie. Hitler proclame l’union avec l’Autriche (l’ Anschluss), conteste la frontière avec la Pologne, réclame le rattachement de Dantzig à l’Allemagne !
Mais en dépit de ses grandes proclamations anticommunistes, il maintient de bonnes relations avec la Russie de Staline.
La France s’interroge. Que faire ? Avec quels alliés ?
Les États-Unis ? Ils sont repliés sur eux-mêmes.
Londres ? Les Anglais sont favorables à une politique d ’apaisement avec l’Allemagne.
La Russie de Staline ? Elle a deux fers au feu, entente avec l’Allemagne et négociations avec Paris…
L’Italie de Mussolini ? Elle réclame, comme prix de son alliance, le droit de conquérir l’Éthiopie, pays membre de la Société des Nations !
Faire la guerre, avec pour alliés la Tchécoslovaquie et la Pologne ? Mais l’opinion française est pacifiste. Qui veut mourir pour les Sudètes et pour Dantzig ?
On le veut d’autant moins que la France se
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