1940-De l'abîme a l'espérance
ou endommagés, d’autres dizaines de navires de commerce et de transport envoyés par le fond, des 1 841 avions de la RAF abattus, des pertes en hommes par dizaines de milliers, l’embarquement continue.
Deux cent vingt-quatre mille hommes du corps expéditionnaire britannique ont été ramenés sains et saufs ! L’Amirauté avait espéré sauver 50 000 hommes !
Outre la quasi-totalité du corps expéditionnaire, on évacue 95 000 soldats « alliés », pour l’essentiel français ! Et la dernière nuit – celle du 3 au 4 juin –, dans les lueurs d’incendie, 26 000 hommes de plus – français – purent être sauvés !
Mais quelques dizaines de milliers ne peuvent embarquer. Et l’amertume – habilement entretenue par les « défaitistes » antianglais que sont Pétain, Weygand, l’amiral Darlan et les hommes politiques hostiles depuis des années à l’alliance anglaise –, le ressentiment alimentent l’anglophobie qui favorise les partisans d’une sortie rapide de la guerre.
Il est vrai que la défense du « camp » de Dunkerque a été assurée par des troupes françaises « sacrifiées » et que la résistance des troupes du général Molinié à Lille, pendant trois jours jusqu’à l’épuisement des munitions, fixe aussi des divisions allemandes, ce qui, dit Churchill, « apporte une splendide contribution » à l’opération Dynamo d’embarquement.
Les Allemands du général von Reichenau rendront les honneurs – sur la Grand-Place de Lille, avec fanfare et compagnie au garde-à-vous – à la « défense héroïque [selon les termes de von Reichenau] des Français ».
Le mardi 4 juin, à 9 h 15, les derniers défenseurs de Dunkerque se rendent.
« Très chère Lu », écrit Rommel, dont la division a combattu à Lille, « maintenant que la bataille est terminée, on nous a mis au repos derrière le front… Peut-être la France va-t-elle renoncer à sa lutte désormais sans espoir. Sinon, nous l’écraserons jusqu’au fond du pays… Je me porte bien à tous égards… ».
Puis il ajoute :
« Ordre de me présenter aujourd’hui devant le Führer… La visite a été merveilleuse. Il m’a accueilli en ces termes : “Rommel, nous avons été très inquiets pour vous pendant l’attaque.” Sa figure était rayonnante et je dus ensuite rester avec lui et l’accompagner. J’étais le seul commandant de division dans ce cas ! »
Hitler peut se laisser griser. Il n’a pas détruit les troupes anglaises à Dunkerque, mais le voulait-il vraiment ? En revanche, l’offensive finale contre la France s’annonce sous un jour favorable.
Il sait que Pétain et Weygand, et le clan politique rassemblé autour de Pierre Laval sont partisans de l’armistice ; que, dans une note à Paul Reynaud, Pétain et Weygand ont indiqué qu’il était nécessaire d’avertir Londres que « la France pourrait se trouver dans l’impossibilité de continuer une lutte militairement efficace pour protéger son sol ».
En outre, l’Italie de Mussolini est décidée à entrer en guerre. « Même si la France offrait à l’Italie, la Tunisie, l’Algérie, et le Maroc de surcroît, Mussolini déclinerait ses propositions. Le Duce a pris sa décision », confirme à l’ambassadeur de Grande-Bretagne le comte Galeazzo Ciano, ministre des Affaires étrangères italien et gendre de Mussolini.
Donc il faudra à la France combattre sur deux fronts ! Et les appels à l’aide lancés par Paul Reynaud à Roosevelt ne suscitent qu’une réponse compatissante, et l’affirmation répétée que les États-Unis ne veulent pas entrer dans la guerre !
Aucun espoir non plus du côté de l’URSS, soucieuse de ne point provoquer Hitler, et espérant le voir s’engluer dans une guerre à l’ouest, qui retarderait d’autant ses ambitions à l’est. Staline sait qu’elles dévorent le Führer, mais plus tard l’antagonisme éclatera et mieux cela vaudra pour l’URSS !
Ainsi, l’ombre de la défaite s’étend sur la France.
La décision est prise d’évacuer les réserves d’or de la Banque de France, une partie vers le Maroc, une autre vers le Canada, le reste sera transféré à Brest, et de là ultérieurement au Canada.
Car Paris est désormais une ville exposée.
Le lundi 3 juin, la Luftwaffe a largué plus de mille bombes sur les usines Renault, et sur un cantonnement à Versailles. On dénombre 200 victimes, dont
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