1940-De l'abîme a l'espérance
Britanniques d’envisager que la France signe un armistice puis une paix, séparés.
À son retour à Paris, le soir de ce dimanche 26 mai, son collaborateur Baudouin le harcèle : Reynaud a-t-il obtenu une réponse des Britanniques ?
« Je n’ai pas pu poser cette question », dit sèchement le président du Conseil. Il sait que Pétain, Weygand, Chautemps, ancien président du Conseil, influent membre du parti radical-socialiste, Baudouin, veulent cesser le combat, sortir de la guerre.
Laval, en contact avec Pétain, est l’âme cachée de cette « conspiration ».
Le lendemain, Pétain confie à Baudouin :
« Je ne suis pas partisan de poursuivre la lutte à outrance. C’est une chose facile et stupide d’affirmer qu’on luttera jusqu’au dernier homme. C’est criminel aussi, étant donné nos pertes de l’autre guerre et notre faible natalité. Il faut sauver une partie de l’armée, car sans une armée groupée autour de quelques chefs pour maintenir l’ordre, une vraie paix ne sera pas possible et la reconstruction de la France n’aura pas de point de départ. »
Au fur et à mesure que Pétain parle, ses yeux se remplissent de larmes.
12 .
Le maréchal Pétain n’est pas le seul, en cette fin du mois de mai 1940, à avoir les yeux embués de larmes.
Sur le bord des routes de Flandre, assis sur les talus, la tête entre leurs mains, les soldats français des armées du Nord pleurent.
Les réfugiés en une longue et noire procession fuient devant la poussée allemande et sanglotent de désespoir.
Ce dimanche 26 mai, l’armée belge a capitulé. Le gouvernement a quitté le pays, mais le roi Léopold III a demandé qu’on dépose les armes, et négocié avec l’ennemi.
Sera-ce bientôt le sort de la France ?
Sortir au plus vite de la guerre, c’est, sous l’émotion, le projet du maréchal Pétain, celui du généralissime Weygand.
Ce dernier garde tout son sang-froid. Il donne l’ordre aux troupes « de se défendre à outrance sur les positions actuelles, sans regarder en arrière ». Il tente de constituer une ligne de défense, un front continu de la Somme à l’Aisne et peut-être demain sur la Seine, et qui sait sur la Loire. Mais il ajoute aussitôt : « Le commandant en chef a le devoir d’examiner en raison de la gravité des circonstances toutes les hypothèses. »
Il est en relation quotidienne avec le maréchal Pétain et les ministres, les hommes politiques qui veulent l’armistice.
Weygand entend sauver l’honneur de l’armée, permettre aux troupes de briser toute tentative « communarde » – communiste – de créer des troubles. Il veut faire porter la responsabilité de la défaite aux hommes politiques, à cet « ensemble de compromissions maçonniques, capitalistes et internationales » qu’était la République. Et derrière cette politique républicaine, il y a les Juifs.
Pour le maréchal Pétain comme pour Weygand, il ne s’agit donc pas d’accepter une capitulation de l’armée, mais il faut exiger que les hommes politiques endossent un armistice, qui conduirait à un changement de régime.
Ces chefs militaires-là – Pétain né en 1856, Weygand en 1867 – sont des contemporains de l’affaire Dreyfus (1894).
Ils ont une revanche à prendre contre cette République qui a humilié l’armée, réhabilité Dreyfus, puis dilapidé « leur » victoire du 11 novembre 1918.
C’est tout ce passé qui ressurgit en ces semaines de mai et de juin 1940.
Weygand hausse les épaules quand Paul Reynaud lui demande d’étudier « la mise en état de défense d’un réduit national autour d’un port de guerre ».
Il s’agit de la Bretagne et de Brest. Mais rares sont ceux – à l’exception d’un de Gaulle – qui croient à la possibilité d’un « réduit breton » ou bien d’un repli du gouvernement et des troupes encore combattantes en Afrique du Nord.
Ce dimanche 26 et ce lundi 27 mai, Reynaud pense à tout cela quand il réagit à la capitulation du roi des Belges.
Le mardi 28, Reynaud dénonce cette « attitude inqualifiable, ce fait sans précédent dans l’Histoire », cette trahison d’un roi félon, « sans prévenir ses camarades de combat français et anglais, ouvrant la route de Dunkerque aux divisions allemandes ».
Les Panzers de Rommel ce dimanche 26 mai bifurquent vers le nord.
« Très chère Lu,
« Je vais aussi bien que possible, écrit
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