1940-De l'abîme a l'espérance
Rommel. Nous sommes occupés à enfermer dans Lille les Britanniques et les Français. Tout va bien pour le lavage, etc. Guenther, mon ordonnance, en prend bon soin. J’ai pris quantité de photos. »
Au sud, dans le secteur d’Abbeville, de Gaulle passe parmi les unités qui vont attaquer, dans l’espoir et la détermination de percer le flanc des divisions allemandes qui désormais encerclent Dunkerque.
De Gaulle dispose de 140 chars en état de marche, de six bataillons d’infanterie, appuyés par six groupes d’artillerie. En ce crépuscule du dimanche 26 mai, il sait qu’il ne possède pas les moyens nécessaires pour changer à lui seul la débâcle en victoire. Mais il faut attaquer malgré les Stuka et le déséquilibre des forces.
« Ma chère petite femme chérie, écrit-il.
« Toujours la bagarre. Je suis général depuis hier. Rien de bien neuf, mais cela barde. »
Après la bataille victorieuse, de Gaulle est interpellé par un officier allemand prisonnier qui a le bras déchiqueté par l’explosion d’une mine.
« Ah ! de Gaulle, de Gaulle ! Le génie des chars ! Vous êtes foutus, les Français, les Français sont foutus ! Vous résistez, c’est inutile, pourquoi vous obstinez-vous ? »
De Gaulle s’éloigne, l’aumônier de la division le rejoint.
« La poussée allemande est irrésistible, murmure de Gaulle. On reculera jusqu’à la Loire. Là, j’espère qu’on tiendra assez fortement et assez longtemps pour me permettre de débarquer en Bretagne avec les chars neufs que j’irai chercher en Angleterre. Alors, je couperai les lignes ennemies, je rejoindrai le Massif central et le Morvan… »
Il élève la voix.
« Les Anglais sont des partenaires qui n’aiment jamais abandonner une partie. Avec eux, tout peut tenir jusqu’à la victoire. Ils lâcheront notre territoire mais ne lâcheront pas sur leur propre terrain. »
Ce mardi 28 mai, alors que dans le port de Dunkerque et sur les dunes s’entassent des centaines de milliers d’hommes – plus de 200 000 Anglais et plus de 100 000 Français – et qu’un millier de navires commencent leurs navettes pour les évacuer vers l’Angleterre, Churchill réunit autour de lui son gouvernement.
« Nous étions peut-être vingt-cinq autour de la table, raconte Churchill. Je leur ai décrit le cours des événements en leur expliquant franchement où nous en étions et en leur exposant tout ce qui était en jeu. Après quoi, j’ai ajouté tout à fait incidemment : “Bien entendu, quoi qu’il arrive à Dunkerque, nous poursuivrons le combat.”
« Il s’est produit alors une manifestation qui m’a surpris, considérant la nature de cette assemblée, composée de vingt-cinq parlementaires et politiciens éprouvés qui représentaient avant la guerre toutes les nuances de l’opinion, bonnes ou mauvaises. Beaucoup d’entre eux ont semblé quitter la table d’un bond pour accourir jusqu’à mon fauteuil, en poussant des exclamations et en me donnant des tapes dans le dos. »
À Londres, c’est donc l’union sacrée, le patriotisme qui rassemblent toutes les énergies quelles que soient les origines et les différences. Devant Dunkerque, des navires conduits par des volontaires civils – pêcheurs, plaisanciers, équipages des barques de sauvetage, ainsi que le radeau d’incendie Massey Shaw des pompiers de Londres – affrontent les bombardements de la Luftwaffe, entrent dans le port ou s’approchent des rivages. Les soldats se rassemblent en files. L’ordre, imposé par les officiers de marine, est respecté.
Churchill, apprenant que des heurts ont eu lieu entre Anglais et Français, ces derniers parfois rejetés à la mer, répète qu’il faut embarquer « bras dessus, bras dessous ».
Les premiers jours, ce n’est qu’un vœu pieux ! Des Anglais, baïonnette au canon, refoulent les Français.
Les conditions de l’embarquement tiennent du miracle.
La Luftwaffe lance son premier raid dès le lundi 27 mai à 23 h 45, puis, en dépit de la Royal Air Force, attaque chaque jour, et à partir du 29 mai intensifie ses raids, bombardant le port, mitraillant les dunes.
Goering n’a-t-il pas promis au Führer qu’il détruirait le camp retranché de Dunkerque alors que les Panzers n’ont pas reçu l’autorisation d’avancer ?
Et cependant, au milieu des carcasses de véhicules incendiés par les bombes, en dépit des dizaines de navires de guerre coulés
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