1940-De l'abîme a l'espérance
commandent à tous les Français libres de continuer le combat là où ils seront et comme ils pourront. »
C’est la guerre des voix.
Le dimanche 23 juin, à 12 h 30, Pétain répond au discours de Churchill.
Il dit que « le gouvernement et le peuple français ont entendu hier avec une stupeur attristée les paroles de M. Churchill ».
La réponse de Pétain n’a qu’un seul ressort : la vieille haine contre les Anglais que Pétain s’emploie à rallumer :
« M. Churchill est juge des intérêts de son pays, il ne l’est pas des intérêts du nôtre. Il l’est encore moins de l’honneur français, notre drapeau est sans tache… »
Pas un mot ou une allusion à de Gaulle, mais ce dimanche 23 juin à 15 heures, est créé à Londres, avec l’accord de Churchill, un Comité national français.
Et le lundi 24 juin, de Gaulle s’exprime de nouveau.
« Il faut que quelqu’un dise quelle honte, quelle révolte se lèvent dans le cœur des bons Français. Inutile d’épiloguer sur les conditions des armistices franco-allemand et franco-italien : la France et les Français sont pieds et poings liés, livrés à l’ennemi. »
Les mots frappent, durs et forts.
Dans la guerre des voix, de Gaulle fait résonner la sienne.
Il perce l’anonymat. Victoire des mots, mais autour de lui, c’est encore le désert.
Il n’obtient le ralliement d’aucune personnalité importante, ni l’écrivain André Maurois, ni les diplomates Monnet et Corbin, ni Saint-John Perse, le secrétaire du Quai d’Orsay, ni Paul Morand, ni les généraux – Noguès – qui commandent en Algérie, en Afrique-Occidentale.
Un juriste, le professeur René Cassin, lui apporte son concours.
Mais Cassin est lucide :
« Si Hitler ou un de ses séides regardait par le trou de la serrure et entendait ce civil efflanqué, ce professeur qui doctrinait “Nous sommes l’armée française”, et ce grand général à titre provisoire qui renchérissait : “Nous sommes la France”, il s’écrierait certainement : “Voilà deux fous dignes du cabanon.” »
Et de Gaulle ajoute :
« Ma surprise est de me trouver seul à Londres. Sans aucune personnalité politique de quelque surface. Qu’ai-je comme Français autour de moi ? Des Juifs lucides, une poignée d’aristocrates, tous les braves pêcheurs de l’île de Sein. »
Ceux-là, comme ceux de l’île de Batz, ont gagné l’Angleterre ce lundi 24 juin 1940, refusant l’armistice, comme ces quelques unités qui continuent à se battre, en basse Alsace, dans certains secteurs de la ligne Maginot.
D’autres Français accueillent les soldats qui, marchant vers les camps de prisonniers, réussissent à s’évader.
Mais le pays est accablé. Des centaines de milliers de personnes vivent loin de chez elles, réfugiées, à bout de ressources. Les jeunes hommes sont, par centaines de milliers, prisonniers.
Et dans cet abîme de la défaite, la voix de Pétain qui se veut consolatrice entretient l’inquiétude et l’esprit de soumission.
Le Maréchal s’adresse aux Français le mardi 25 juin :
« L’armistice est conclu. Le combat a pris fin… du moins l’honneur est-il sauf », dit-il.
« Je ne serais pas digne de rester à votre tête si j’avais accepté de répandre le sang français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n’ai voulu placer hors du sol de la France ni ma personne ni mon espoir. »
Ainsi sont stigmatisés et condamnés les adversaires de l’armistice et ce de Gaulle que Pétain connaît si bien.
« Vous avez souffert, continue-t-il. Vous souffrirez encore. Beaucoup d’entre vous ne retrouveront pas leur métier ou leur maison. Votre vie sera dure. Ce n’est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses.
« Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal.
« La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours.
« N’espérez pas trop de l’État.
« Comptez pour le présent sur vous-mêmes et pour l’avenir sur les enfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir…
« Notre défaite est venue de nos relâchements.
« L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié.
« Un ordre nouveau commence… c’est à un redressement intellectuel et moral que d’abord je vous convie », annonce le Maréchal.
Autour de lui et parmi les hommes politiques qui suivent Pierre
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