1940-De l'abîme a l'espérance
ce poste d’ambassadeur à Washington qu’il a sollicité auprès de Pétain.
Yves Bouthillier, ministre des Finances, porte plainte contre lui pour exportation illicite de capitaux à l’étranger.
En clouant Reynaud au pilori, il s’agit de briser tous les opposants à la « révolution nationale » dont le Maréchal vante la nécessité et les vertus, et dont Laval et ses spadassins organisent les « basses œuvres ».
Et la presse – Le Matin – accable et « tue » Paul Reynaud en l’accusant de ne pas avoir eu le « souci de la vie des soldats ».
« Quand on se trompe en faisant tuer tant de monde, poursuit l’éditorial, on n’a qu’une excuse : se donner la mort ! Si l’on ose encore vivre après les agissements que nous venons de voir, l’Histoire ne peut trouver pour Paul Reynaud qu’un seul mot : lâcheté. »
Ce réquisitoire qui accable Paul Reynaud accuse aussi Mandel, Blum. Reynaud pressent qu’on ouvrira, contre les « fauteurs de guerre », un procès.
Mais il est encore hésitant sur la conduite à tenir à l’égard de Pétain, ce qui explique sa candidature à l’ambassade de France à Washington.
Sa maîtresse, la comtesse Hélène de Portes, l’invite à solliciter ce poste. Ses trois enfants vivent aux États-Unis.
Mais le vendredi 28 juin, dans l’après-midi, la voiture que conduit Paul Reynaud quitte la route, s’écrase. Le rapport de gendarmerie souligne que cet accident est inexplicable.
D’origine criminelle ?
Grand parlementaire, Reynaud pouvait être un obstacle aux projets de Laval.
Reynaud n’est que contusionné, mais Hélène de Portes, gravement blessée à la tête, décède la nuit suivante, à l’âge de trente-huit ans.
Reynaud est bouleversé. Il confie ses sentiments, son désarroi, sa douleur, sa détresse à William Bullitt, l’ambassadeur des États-Unis.
« La prodigieuse vitalité, l’intelligence, la noblesse d’âme de cette femme admirable ont été anéanties pour toujours ! Et cela à quelques mois du jour où nous allions enfin nous marier… Je me suis demandé, pendant plusieurs jours, si je pourrais vivre… Et puis peu à peu, s’est installée en moi cette idée qu’elle aurait voulu que je vive pour mon pays et pour ses enfants, c’est-à-dire pour ce qu’elle aimait avec moi : elle aurait voulu que mon énergie s’accroisse au lieu de se diminuer. »
Reynaud va donc faire face, contre ce gouvernement Pétain-Laval qui est contraint, le samedi 29 juin, de quitter Bordeaux puisque la ville fait partie de la zone occupée par les Allemands. Les ministres s’installent d’abord à Clermont-Ferrand, non loin de la propriété que possède Laval à Châteldon.
Mais Clermont manque d’hôtels pour loger ministres, membres du cabinet, et toute cette faune qui gravite autour du pouvoir.
Baudouin, ministre des Affaires étrangères, campe dans un petit hôtel presque sordide, comprenant sept chambres en tout, sans électricité, et sans même le téléphone. On décide donc de gagner Vichy, où les palaces de cette ville d’eaux pourront accueillir le gouvernement et les parlementaires.
Car le but de Laval est clair : convoquer les deux Chambres, les réunir en « Congrès » et les contraindre à voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour élaborer une nouvelle constitution.
Pétain hésite. Que dira le président de la République ?
« Je me fais fort d’obtenir le plein accord de Lebrun à sa disparition », dit Laval.
Pétain hoche la tête, visage impassible. Mais Laval revient au bout d’une heure. Il s’est rendu à Royan où réside Albert Lebrun.
« Eh bien, monsieur le Maréchal, ça y est. »
« Le Maréchal regarde son interlocuteur avec un étonnement admiratif, note Baudouin. Pierre Laval affirme qu’il est certain du succès. Il hait la Chambre actuelle. Il méprise Albert Lebrun. Que le Maréchal laisse faire. Il répond du complet succès. »
« Alors, essayez », dit Pétain.
À Londres, de Gaulle a pressenti, analysé les intentions de Laval et de Pétain.
La signature de l’armistice devait nécessairement conduire à une capitulation politique. Désirer, accepter l’armistice avec Hitler, c’est aussi signer l’acte de décès de la République.
De Gaulle l’a dit avec force dès le mercredi 26 juin, répondant au discours de celui qu’il appelle avec déférence « Monsieur le maréchal Pétain » mais
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