1940-De l'abîme a l'espérance
ancré au Verdon, à l’embouchure de la Garonne, parce que la rivière plus en amont a été minée.
C’est l’amiral Darlan lui-même qui a mis ce navire à leur disposition « en accord avec le gouvernement et les présidents des deux Chambres ».
À l’embarquement, l’équipage du Massilia a insulté les députés, certains auraient même été giflés.
Les marins les accusent de « fuir », d’abandonner le pays.
Pétain, lui, ne part pas !
Fuyards, lâches, vendus aux Anglais, Juifs : les insultes fusent.
Et Laval a l’oreille fine. Le Massilia, ce peut être le piège pour ces députés hostiles à l’armistice. Leur départ, pour continuer la guerre, deviendra la tache du déshonneur s’il est présenté comme un abandon du pays.
Et c’est partie gagnée quand Laval obtient du maréchal Pétain que le gouvernement retarde son départ vers Perpignan et l’Afrique du Nord de quelques jours.
On assure au président de la République que les Allemands n’ont pas traversé la Loire, qu’ils ne menacent pas Bordeaux.
Lebrun accepte de surseoir au départ. Jeanneney et Herriot, déjà, reviennent à Bordeaux.
Le Massilia a appareillé, mais c’est désormais, pour ceux qui sont à bord, une prison, et le signe de leur lâcheté et de leur infamie.
Les Français souffrent, sent encore écrasés sous les bombes et les chenilles des Panzers, et ces lâches prêchent la continuation de la guerre… avec la poitrine des autres !
Pendant ce temps, Rommel poursuit sa chevauchée :
« Très chère Lu, écrit-il en ces jours de la fin juin 1940.
« Nous sommes maintenant à moins de 320 kilomètres de la frontière d’Espagne et nous espérons aller droit jusque-là, de façon à prendre tout le littoral de l’Atlantique entre nos mains.
« Que tout cela a été merveilleux ! »
La Loire, contrairement aux mensonges des ministres de Pétain favorables à l’armistice, a été franchie partout par les troupes allemandes.
Les cadets de Saumur du colonel Michon sont morts en héros, pour la gloire, submergés par les divisions de Panzers.
Les Allemands sont à Cholet, à Clermont-Ferrand, à Vienne, à Montbrison. Ils atteignent La Rochelle. Ils sont à Royan, et à Poitiers. À Thiers, à Montluçon, à Châteauroux, à Angoulême.
Que faire ?
C’est toujours le dilemme, rester debout ou se coucher, se battre ou se rendre.
« Nous nous sommes levés pour sauver la France », dit Daniel Cordier à la poignée de ses camarades qui ont réussi à embarquer à Bayonne, sur un navire belge, le Léopold II, qui appareille pour le Maroc, puis changera de cap et rejoindra l’Angleterre.
Ceux qui partent ainsi – jeunes officiers, marins-pêcheurs de l’île de Sein étudiants – ont parfois entendu l’appel du 18 juin, ou ont su « qu’un certain général » au nom étrange – Gaulle, de Gaulle – continuait le combat aux côtés des Anglais et invitait ceux qui voulaient « résister », à le rejoindre.
Ainsi, entre Pétain et de Gaulle, en cette fin juin 1940, dans ces six jours cruciaux du jeudi 20 au mardi 25 juin, la guerre des voix est engagée.
Il y a eu le lundi 17 juin le discours du Maréchal de quatre-vingt-quatre ans, à la voix chevrotante.
Il y a eu l’appel du 18 juin du général qui n’aura cinquante ans qu’en novembre.
Qui l’emporte ?
L’un dit : je suis à vos côtés. Je fais don de ma personne et de ma compassion.
L’autre répond : la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. La France a perdu une bataille mais n’a pas perdu la guerre.
L’un berce, console et réprimande, invite à la prière, au repentir.
L’autre réveille, serre les poings, entraîne, appelle à ramasser le tronçon du glaive.
Qui incarne la France ? Qui doit-on écouter ?
De Gaulle partagé entre l’amertume et la colère, lit l’article que l’académicien François Mauriac, bonne conscience de centaines de milliers de lecteurs, publie dans Le Figaro du mercredi 19 juin :
« Le 17 juin, après que le maréchal Pétain eut donné à son pays cette suprême preuve d’amour, les Français entendirent à la radio une voix qui leur assurait que jamais la France n’avait été plus glorieuse. Eh bien non ! Il ne nous reste d’autre chance de salut que de ne plus jamais nous mentir à nous-mêmes ! »
De Gaulle s’indigne d’autant plus que l’appel à
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