1940-De l'abîme a l'espérance
liquidée. Le plus tôt sera le mieux. Date prévue : printemps 1941. »
Hitler parle avec emphase, cite des passages de Mein Kampf, écrit quinze ans plus tôt et dans lequel il affirme :
« Nous autres, nationaux-socialistes, repartons du point où notre pays s’est arrêté il y a six cents ans. Nous mettons fin à la perpétuelle poussée de l’Allemagne vers le sud et l’ouest de l’Europe pour tourner nos regards vers les espaces de l’Est. C’est à la Russie et aux États vassaux de ses frontières que nous devons songer tout d’abord. Le colossal empire de l’Est est mûr pour la désagrégation. La fin de la domination juive en Russie marquera également la fin de la Russie en tant que nation. »
On a l’impression à l’écouter qu’il salive, savoure ses phrases, jouit de les retrouver.
Il ajoute :
« L’opération vaut la peine d’être entreprise, mais à une condition : notre résolution formelle d’annihiler la nation soviétique en un seul coup de massue. La conquête de ses territoires ne suffit pas. Il s’agit d’anéantir ses possibilités même d’existence. »
Ainsi, en ce mois de septembre 1940, Hitler dessine sa guerre à venir.
Il la prépare : dix divisions d’infanterie et deux divisions de blindés sont transférées de l’Ouest en Pologne.
« Il importe, précise l’attaché militaire allemand à Moscou, le général Ernst Koestring, d’éviter que ces mouvements et concentrations de troupes ne donnent aux Russes l’impression que l’Allemagne prépare une offensive à l’est. »
Toujours en ce mois décisif de septembre 1940, des « missions militaires allemandes » sont envoyées en Roumanie.
Et le vendredi 27 septembre, un pacte tripartite – Japon, Allemagne, Italie – est signé.
Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères du Reich, s’emploie à rassurer Molotov – son homologue russe – et Staline sur les « bonnes intentions » allemandes à l’égard de la Russie.
Molotov est soupçonneux, mais en cette fin septembre 1940, Staline s’accroche à l’idée qu’il peut détourner la guerre de la Russie et qu’il faut prendre les nazis à leurs paroles. Et donc continuer à leur fournir des matières premières, des minerais avec lesquels Berlin alimente l’industrie d’armement allemande.
Qui tourne déjà à plein régime en vue de cette guerre à l’est, à laquelle Staline ne veut pas croire.
Cet avenir qui s’annonce n’étonne pas de Gaulle. Il est à bord du Westernland qui vogue vers Dakar, en compagnie de deux cuirassés, quatre croiseurs et le porte-avions Ark Royal , commandés par l’amiral Cunningham.
On a fait escale à Freetown, en Sierra Leone, où de Gaulle a appris que Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon ont rallié la France Libre.
Pourquoi pas Dakar ?
Et cependant, il est inquiet.
Une escadre française « vichyste » a franchi le détroit de Gibraltar et a gagné Dakar, où se trouve déjà le Richelieu.
Depuis Mers el-Kébir, les marins français sont à l’image de leurs officiers et de l’amiral Darlan, résolument anglophobes.
Aux yeux des « vichystes », de Gaulle n’est qu’un officier qui s’est mis à la solde de Churchill et qu’un tribunal militaire vient de condamner à mort pour trahison.
À Dakar, faut-il que coule le sang français ?
De Gaulle doit accepter de prendre ce risque.
Il le dit à ses Français Libres qu’il réunit sur le pont du Westernland et qu’il harangue :
« Vous êtes mes soldats, mes amis, mes compagnons, commence-t-il. Si je ne vous parle pas souvent, je vous connais… Je sais d’où vous venez et ce que vous voulez. J’ai confiance en vous et je vous aime bien. Actuellement, nous sommes les seuls à représenter la France. Ce qu’elle a comme armes, ce sont nos armes. Ses succès seront ceux de nos armes. »
Il hausse la voix, se rapproche de ces hommes alignés, attentifs, graves.
« La France de demain sera en grande partie ce que nous la ferons. Son sort est entre nos mains. »
Il reste silencieux un long moment pour que ces hommes mesurent la gravité de ce qu’il va dire.
« Aussi, ceux qui se mettraient en travers de notre route, quels qu’ils pourraient être, se mettraient en travers de la route de la France. »
Il fait un pas en avant. Il sait qu’ils sont prêts à affronter la grande épreuve : le combat fratricide.
« À mon commandement, garde à
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