1941-Le monde prend feu
ceci soit compris clairement une fois pour toutes !
insiste-t-il.
« Sans aucun doute si nous enlevons à la Russie les
stocks de vivres qui sont nécessaires à l’Allemagne, la famine sévira et
plusieurs millions de Russes mourront. »
Mais ce sont des Untermenschen, et ces sous-hommes
peuvent, doivent être exterminés ! Comme l’ont été par dizaines de
milliers les débiles mentaux, les vieillards, des Allemands pourtant, mais que
le Führer avait jugés indignes de vivre.
Comme l’avaient été aussi par centaines de milliers déjà les
Juifs et les notables polonais.
Cette politique d’extermination est une politique de
purification, conclut Goering.
Dans les bureaux des ministères du Reich, de paisibles
fonctionnaires complètent les directives, dressent des listes, rassemblent des
données statistiques. On évalue l’importance des communautés juives. On demande
la construction de camps pour les regrouper.
On envisage les moyens de les réduire, de les annihiler. La
famine est efficace, mais agit lentement.
On étudie, à la lumière de l’extermination des malades
mentaux et des handicapés allemands, l’utilisation des gaz.
Mais il est peu pratique de se servir des gaz d’échappement
de moteur de camions, comme cela a été fait.
Il faut prévoir d’autres méthodes de « gazage ».
Himmler y songe.
Quant au Führer, en ce deuxième printemps de guerre, une
nouvelle fois victorieux, et dans l’attente du déclenchement de l’opération Barbarossa, il savoure au Berghof la limpide beauté des cimes enneigées.
Qui peut résister à sa volonté ?
9.
Ce ne sont pas les hommes du gouvernement de Pétain qui vont
résister à Hitler.
Les victoires allemandes du printemps de 1941 les ont
confortés dans leur politique de collaboration.
À Vichy, à Paris, les journaux, les radios exaltent la Blitzkrieg allemande.
Belgrade, Athènes, la Grèce, la Crète, et Benghazi et
Tobrouk, sont tombés aux mains de la Wehrmacht ou vont l’être.
Demain, pense-t-on, Rommel sera au Caire.
On affirme que les centaines de milliers d’hommes concentrés
par l’Allemagne dans les Balkans ont pour but – avec l’accord de la Russie
et de la Turquie – de prendre l’Empire britannique à revers.
Le canal de Suez contrôlé, on ira soutenir les nationalistes
indiens.
Projet grandiose qui mettra fin au règne de Londres sur le
monde.
À Vichy, à Paris, les collaborateurs en rêvent, assurent que
la Wehrmacht vient de recevoir des équipements adaptés au climat de l’Orient.
Il faut dans ces conditions collaborer plus que jamais avec
l’Allemagne.
Des hommes nouveaux d’à peine quarante ans – Pucheu, Marion,
Benoist-Méchin ; le premier, venu de l’industrie, le deuxième de l’extrême
gauche, le dernier brillant homme de lettres, essayiste – entourent l’ambitieux
amiral Darlan, vice-président du gouvernement.
L’heure n’est plus à Pétain. On le couvre d’hommages. On
continue de l’acclamer et il porte toujours beau, droit et digne. Mais on
murmure qu’à quatre-vingt-cinq ans, il « n’est plus qu’un vieillard
fatigué ».
« Il ne se souvient bien que des événements de sa
jeunesse et de son âge mûr », dit-on.
D’une heure à l’autre il oublie les propos qu’il a tenus, les
indications auxquelles il a acquiescé. On peut toujours le faire opiner dans le
sens qu’on souhaite, pourvu qu’on se tienne dans certaines limites… On lui
cache la vérité sous prétexte de le ménager, ou bien on le trompe effrontément,
ou bien on le lanterne indéfiniment.
Darlan peut donc prendre des initiatives s’il respecte les
formes.
Pucheu, Marion, Benoist-Méchin l’incitent à conduire une
collaboration vigoureuse.
Benoist-Méchin l’affirme : « Un pays vaincu peut
prendre trois positions : contre, pour, ou avec son vainqueur. Je suis
partisan de la troisième formule. »
Darlan va la mettre en œuvre.
On traque les « résistants », on livre aux
Allemands les antinazis réfugiés dans la zone non occupée. On condamne à mort
le général Catroux, qui a rejoint de Gaulle.
Plus grave encore : on ordonne au général Dentz, qui
commande les troupes françaises en garnison en Syrie et au Liban, de résister
aux Forces françaises libres qui veulent libérer cet Orient sous mandat
français, afin que ces territoires du Levant rejoignent le général de Gaulle.
Pire encore : on ouvre les
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