1941-Le monde prend feu
« armée
de l’armistice » à l’affrontement avec les « Boches ».
« Or, dans cette ville de Vichy, explique-t-il, j’ai
trouvé des êtres répugnants. On souhaite la victoire de Hitler. » Ses
chefs de section répètent à Colin :
« Les Anglais ont perdu la guerre ou vont la perdre. La
preuve, c’est qu’ils demandent partout des hommes pour les défendre. Ils paient
trois cents livres d’engagement pour les marins et trois livres par jour de
solde. Et pour les aviateurs, c’est plus élevé encore ! »
Colin, en rejoignant l’Angleterre, fuit la lâcheté et la
veulerie.
« Aller en Angleterre, écrit-il, c’est le moyen de
servir la France, de ne pas se laisser entraîner à une collaboration douteuse :
seul le chien lèche les bottes de son maître qui l’a corrigé, et nous, Français,
nous ne sommes pas battus. »
Colin réussit à atterrir près de Portsmouth et un tribunal
militaire de Vichy le condamne à mort par contumace « pour crime contre la
sûreté extérieure de l’État ».
Engagé dans les Forces aériennes françaises libres, Colin va
combattre l’Allemand et mourra pour la France au terme d’un duel aérien le 27 juin
1942.
D’autres Français libres tomberont en ce printemps 1941, abattus
en Syrie par les soldats du général Dentz, resté fidèle à Vichy.
De Gaulle écoute les blessés faire le récit de ces combats.
« Je pars agitant un drapeau tricolore et criant de
toutes mes forces ; “Français”, dit l’un, et j’entends une voix bien
française qui crie : “Tirez sur cet idiot avec son drapeau, tirez, tirez.”
Là, des soldats se sont élancés aux accents du Chant du départ et on a
répondu par Maréchal, nous voilà ! »
Peu de défections parmi les 30 000 soldats de
Dentz ! Une résistance acharnée, la volonté de tuer les gaullistes. Seuls
les légionnaires s’épargnent en criant :
« La Légion ne combattra pas la Légion ! »
Un officier valeureux, le capitaine de corvette Détroyat, commandant
les fusiliers marins de la France Libre, qui a capturé une patrouille de vichystes
et leur a laissé leurs armes, est abattu d’une rafale dans le dos.
Le capitaine des Forces françaises libres, Boissoudy, qui s’avançait
en parlementaire, est fauché par un feu de salve.
De Gaulle est pâle, tendu.
Cette haine qui s’exprime entre Français est une plaie
ouverte en lui.
Il dit : « Cette douloureuse bataille est l’une
des plus horribles réussites de Hitler. »
Il savait en appelant le 18 juin 1940 à la
résistance, cette « flamme qui ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas »,
que « la route serait dure et sanglante ».
Il l’éprouve en Syrie en ce printemps amer de 1941.
Il y a un an, « l’équipe mixte du défaitisme et de la
trahison s’emparait du pouvoir dans un pronunciamiento de panique ».
Les mots impitoyables se bousculent en lui, maculés par le
sang des hommes qui tombent en ce moment dans les jardins de Damas.
« Une clique de politiciens ratés, reprend-il, d’affairistes
sans honneur, de fonctionnaires arrivistes, et de mauvais généraux se ruait à l’usurpation
en même temps qu’à la servitude. Un vieillard de quatre-vingt-quatre ans, triste
enveloppe d’une gloire passée, était hissé sur le pavois de la défaite pour
endosser la capitulation et tromper le peuple stupéfait.
« Et le lendemain, de Gaulle appelait à la résistance, donnant
ainsi naissance à la France Libre. »
C’était il y a un an, le 18 juin 1940.
De Gaulle serre les dents. Il ne veut pas désespérer.
« Comme Français, dit-il, je dirais que les combats de
Syrie, pour lamentables qu’ils soient, fournissent une preuve de plus du courage
des hommes de mon pays, quelle que soit la cause qu’ils servent. »
Cette lutte fratricide est le fruit de la « trahison de
gouvernants déshonorés.
« Je suis sûr qu’un jour viendra où tous ces hommes
seront ensemble pour chasser l’envahisseur de la France ».
Il reste persuadé que la guerre sera perdue par Hitler.
Le 9 mars 1941, la loi Prêt-Bail a été votée par le
Congrès américain. Les États-Unis seront, comme l’a dit Roosevelt, « l’arsenal
des démocraties » à crédit.
C’est un pas décisif vers l’entrée en guerre des États-Unis.
En Europe, l’avance des Allemands dans les Balkans, de
Belgrade à Athènes, de Budapest à Bucarest, doit inquiéter
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