1941-Le monde prend feu
vastes territoires – ceux dont la Russie s’était emparée, après la
signature du pacte germano-soviétique – sont conquis par les Allemands, les
Russes semblent refuser de comprendre que c’est la guerre qui s’abat sur eux !
« On aurait dit que chacun s’attendait à la guerre
depuis longtemps, rapporte l’écrivain Constantin Simonov, et pourtant au
dernier moment la chose fulgura comme un éclair dans un ciel bleu ;
il était manifestement impossible de se préparer à l’avance à un malheur aussi
affreux. »
Après plusieurs heures d’invasion, ce dimanche 22 juin,
le haut commandement russe paraît garder l’espoir d’éviter la guerre.
On assure même que Staline, terré au Kremlin, peut-être ivre,
se refuse à prendre la parole.
Il aurait demandé au Japon sa « médiation entre le
Reich et l’URSS dans le différend politique et économique qui les divise ».
Mais la guerre est là, les troupes russes cèdent du terrain
tout en combattant souvent héroïquement.
Les bombardiers allemands détruisent les gares, les voies
ferrées.
L’exode mêle soldats et civils.
Des parachutistes allemands largués sur les arrières russes
attaquent, sèment la panique.
Des Ukrainiens, des Baltes, hostiles aux Russes, attaquent
les voitures de l’armée Rouge, font sauter les ponts. Les communications sont
coupées. Le maréchal Timochenko, commissaire à la Défense, lorsqu’il réussit
enfin à joindre le général Boldine qui commande les troupes sur la frontière, soumises
depuis plusieurs heures à l’attaque allemande, répète :
« Camarade Boldine, souvenez-vous qu’aucune action ne
doit être entreprise contre les Allemands sans que nous en soyons informés. Voulez-vous
dire au général Pavlov que le camarade Staline a interdit de faire donner l’artillerie
contre les Allemands.
— Mais ce n’est pas possible, crie Boldine dans le
récepteur. Nos troupes sont en pleine retraite. Des villes entières sont en
flammes, des gens sont tués…
— Non, dit Timochenko, il ne doit pas y avoir de
reconnaissance aérienne au-delà de 50 kilomètres après la frontière…
« Je demandai – en vain – de pouvoir lancer
dans la bataille tout le poids de notre infanterie, de notre artillerie, et de
nos unités blindées et notamment de nos batteries antiaériennes, explique
Boldine. Mais Timochenko répéta : “Non, non…”
« Un certain temps s’écoula avant que Moscou nous
ordonnât de mettre en action le “Paquet rouge”, c’est-à-dire le plan de
couverture de la frontière, mais l’ordre arriva trop tard… Les Allemands
avaient déjà engagé des opérations militaires sur une grande échelle et, en
plusieurs points, ils avaient déjà profondément pénétré dans notre territoire… »
Vers
midi, ce dimanche 22 juin 1941, près de neuf heures après le début de l’attaque
allemande, Molotov, commissaire aux Affaires étrangères, prend la parole.
« Où est Staline ? » n’ose-t-on même pas
murmurer.
« Hommes et femmes, citoyens de l’Union soviétique, commence
Molotov. Le gouvernement soviétique et son chef, le camarade Staline, m’ont
chargé de faire la déclaration suivante… »
Molotov parle d’une voix hésitante et sourde. Il bégaye
parfois, argumente :
« L’URSS a respecté scrupuleusement les clauses du
pacte germano-soviétique.
« Cette attaque est un acte de perfidie… de piraterie. »
Molotov évoque « la grande guerre patriotique » de
1812, quand Napoléon a été vaincu.
« L’arrogant Hitler connaîtra le même sort.
« Le gouvernement fait appel à vous, hommes et femmes, citoyens
de l’Union soviétique, pour rallier en rangs plus serrés encore le glorieux
parti bolchevique, le gouvernement soviétique et notre grand chef, le camarade
Staline.
« Notre cause est bonne, l’ennemi sera écrasé, la
victoire sera pour nous. »
Dans les halls d’usine, sur les places, des haut-parleurs
ont retransmis le discours de Molotov.
On baisse la tête, on se tait. Le discours ne soulève ni
émotion ni enthousiasme.
Molotov a répété ce qu’il a dit à l’ambassadeur de von der
Schulenburg à l’aube de ce jour.
« C’est la guerre ! Trouvez-vous monsieur l’ambassadeur
que nous avons mérité cela ? »
Hitler n’était qu’« arrogant » !
Et le silence de Staline entretenait le malaise.
Heureusement, dans la nuit du 22 au 23 juin –
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