1941-Le monde prend feu
moins
de vingt-quatre heures après le déclenchement de l’assaut nazi –, Churchill
prend la parole.
Voix claire, fière et forte.
« Nul plus que moi, dit Churchill d’emblée, n’a été un
adversaire constant du communisme au cours de ces vingt-cinq dernières années. Je
ne renie rien de ce que j’ai dit sur ce point… »
Il poursuit avec une telle conviction : « Hitler
veut détruire la puissance russe parce qu’il espère, s’il réussit, amener le
gros de ses forces à l’ouest et les jeter sur notre île » qu’il dissipe
les soupçons que les Russes avaient accumulés depuis l’accord de Munich, et surtout
depuis l’équipée de Rudolf Hess en Angleterre.
Mais le ton, la sincérité, l’émotion de Churchill les
touchent :
« Je vois les soldats russes sur le seuil de leur terre
natale, dit Churchill, je les vois protégeant leurs foyers où leurs mères et
leurs femmes prient – ah oui, il y a des moments où tout le monde prie ! –
pour ceux qu’elles aiment !
« Et je vois s’avancer vers ces gens le hideux assaut
de la machine de guerre nazie… Je vois le Hun stupide, robot docile et brutal, s’abattre
comme s’abattent les sauterelles ! »
Ce discours de la vérité et de la détermination frappe
davantage que le terne – et presque larmoyant – propos de Molotov.
Et il a effacé le premier communiqué officiel publié le
dimanche 22 juin, texte convenu dont chaque Russe soupçonne qu’il est
mensonger.
« Aujourd’hui, les forces allemandes régulières ont
attaqué nos troupes des frontières et remporté des succès de faible importance
en plusieurs secteurs. Au cours de l’après-midi, des éléments d’infanterie de l’armée
Rouge sont arrivés à la frontière et les attaques des troupes allemandes ont
été repoussées sur presque toute l’étendue du front. »
Le silence de Staline devient d’autant plus lourd que
Churchill s’est exprimé en allié résolu, qu’une mission militaire anglaise est
déjà en route vers la Russie en passant au nord par Arkhangelsk. Roosevelt a
fait savoir ce 23 juin qu’il apporterait toute l’aide possible à la Russie.
Mais les Russes, peu nombreux, qui disposent d’un poste de
radio privé – il faut les remettre à la milice car seuls ont le droit de
les conserver les diplomates étrangers, les journalistes et les hauts
fonctionnaires russes – savent qu’une part importante des milieux
politiques américains est réservée.
Elle rappelle les crimes de Staline – « il a
autant de sang sur les mains que Hitler ». Elle évoque le pacte
germano-soviétique et l’annexion par les Russes d’une partie de la Pologne, des
pays baltes.
Et on estime que Hitler peut vaincre les Soviétiques en
quatre-vingt-dix jours.
Le 28 juin, les troupes allemandes s’enfoncent dans les
républiques baltes, Lituanie, Lettonie, dont la population les accueille en
libérateurs.
La ville de Pskov est menacée : elle est sur la route
de Leningrad.
Ce même 28 juin, les Panzers atteignent la ville de
Minsk. Sur la même route, plus à l’est, il y a Smolensk et Moscou ! Plus
au sud, c’est Kiev qui est déjà en péril, Rostov et, au-delà, la Volga et
Stalingrad.
Les Allemands ont l’impression de revivre la Blitzkrieg, telle
qu’ils l’ont conduite en Pologne en septembre 1939, et en France en mai et juin
1940, il y a juste un an.
Dans son automitrailleuse, le lieutenant August von Kageneck,
qui va avoir dix-neuf ans, découvre la guerre, les morts que la chaleur
décompose, que des myriades de mouches recouvrent. Mais à la nausée, car la
puanteur est épaisse comme la poussière, succède l’enthousiasme quand il
découvre, « image inoubliable, cent soixante chars hauts et fiers comme
des bateaux qui voguaient sur une mer jaune de blé mûr ».
Après son premier combat, il écrit :
« J’avais entendu de vraies balles. J’avais senti pour
la première fois ce mélange de peur, de fièvre, d’exaltation et d’orgueil. Oui,
l’orgueil de l’emporter sur les autres, d’avoir tenu dans la tempête, d’appartenir
à une race désormais à part. »
Il participe à la prise de Tarnopol, ville polonaise de
Galicie acquise par les Russes en 1939 mais, ajoute Kageneck, « jadis la
ville la plus orientale de l’Empire des Habsbourg ».
« Je hurlai de plaisir dans le crépitement des
explosions… Une frénésie de destruction m’emportait.
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