1941-Le monde prend feu
la
résistance de tous ces adversaires de l’Ordre nouveau, mais il nous faut dès à
présent briser leurs entreprises en décimant les chefs. »
Décimer ? C’est bien le langage d’un chef
militaire qui doit mater les mutins en les faisant fusiller.
« Si la France ne comprenait pas qu’elle est condamnée
par la force des choses à changer de régime, elle verrait s’ouvrir devant elle
l’abîme où l’Espagne de 1936 a failli disparaître et dont elle ne s’est sauvée
que par la foi, la jeunesse et le sacrifice. »
Pétain dresse le spectre de la guerre civile et fait l’apologie
de la dictature franquiste.
Le Maréchal énumère des mesures dictatoriales qui renforcent
les pouvoirs de la police, les sanctions disciplinaires contre les
fonctionnaires suspects : il annonce qu’il va « juger » les
responsables de notre désastre…
« Les ministres et les hauts fonctionnaires devront me
prêter serment de fidélité… La même obligation est imposée aux militaires et
aux magistrats. »
Dans la salle du Grand Casino, on est stupéfait. On s’inquiète
de la création d’un Conseil de justice politique.
Mais un seul magistrat refusera de prêter serment : il
sera révoqué et interné. Un seul conseiller d’État aura la même attitude.
L’ambassadeur des États-Unis, l’amiral Leahy, présent dans
la salle, confie dans un chuchotement que Hitler aurait pu écrire le discours
du Maréchal.
« Ce discours, ajoute-t-il, a tout à fait le ton d’un
service funèbre pour la III e République. »
Les hommes politiques de la III e République
doivent « payer ».
Le 15 octobre 1941, Pétain explique aux Français que « le Conseil de justice politique composé d’anciens combattants et des
meilleurs serviteurs du bien public a estimé à l’unanimité que la détention
dans une enceinte fortifiée devait être appliquée à MM. Edouard Daladier
et Léon Blum ainsi qu’au général Gamelin.
« J’ordonne en conséquence la détention de ces trois
personnes au fort du Pourtalet… ».
Pétain vient de tomber le masque.
Le Conseil de justice politique n’est que l’instrument du
pouvoir politique et sa création révèle la nature du régime de Vichy.
Et, tout à coup, Pétain découvre l’image que donne l’État
français, son État, dans ce miroir judiciaire.
Des juristes s’inquiètent auprès de lui. Et sans souci de
cohérence, Pétain, en quelques phrases hypocrites, tente d’effacer l’image qu’il
vient de donner.
Il précise :
« Le Conseil de justice politique m’a demandé de
préserver le pouvoir judiciaire des empiètements du pouvoir politique. Ce
respect de la séparation des pouvoirs fait partie déjà du droit coutumier. C’est
donc très volontiers que j’ai répondu à cet appel qui correspond à mes
sentiments intimes.
« En conséquence, la cour de Riom reste saisie… Les
débats vont s’ouvrir. »
On se moque de ce Maréchal qui le matin se conduit en
dictateur, et le soir donne acte à ses juges que les trois hommes qu’il vient
de condamner ont encore à être jugés… Et donc que les condamnations prononcées
contre Daladier, Blum et Gamelin sont nulles et non avenues.
Ainsi, le président de la cour de Riom s’adresse aux accusés
et déclare : « Messieurs, les décisions qui ont été jusqu’ici prises
à l’égard de certains d’entre vous et les motifs qui ont été publiés de ces
décisions sont pour la cour comme s’ils n’existaient pas… »
Vichy ? Dictature ou État de droit ?
À Paris, Déat, Doriot, Laval ricanent de ces palinodies, fustigeant
cet attachement des juges à leur pouvoir.
Ils s’indignent d’apprendre que Daladier et Blum jouissent
devant la cour de Riom d’une totale liberté de parole et deviennent accusateurs.
Pétain n’avait-il pas été ministre de la Défense nationale, membre
influent du Conseil supérieur de la guerre, donc, comme notable de la III e République
et maréchal de France n’était-il pas responsable de la défaite… Ne faudrait-il
pas le juger lui aussi, lui d’abord ?
Mais ce procès de Riom ne peut continuer longtemps à n’être
qu’une farce hypocrite.
Il y a la guerre, le pays occupé, affamé, des centaines de
milliers de Français prisonniers en Allemagne, et des jeunes gens raflés chaque
jour pour aller travailler dans les usines du Reich.
Et d’autres, emprisonnés, torturés,
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