1941-Le monde prend feu
fusillés.
Le sang de la guerre, cette tache rouge qui s’élargit jour
après jour, va recouvrir complètement Vichy.
Et la farce se révéler tragédie.
21.
« Je sens se lever depuis quelques semaines un vent
mauvais », avait dit Pétain.
Il souffle en bourrasque.
Dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, dépendant
de l’administration allemande de Bruxelles – et promis au rattachement à
la Belgique, une fois la victoire nazie acquise –, les mineurs des puits
de la région de Béthune déclenchent, le 27 mai 1941, une grève qui s’étend
à tout le bassin minier.
« Ceux qui travaillent ont le droit de manger », lit-on
sur les tracts imprimés clandestinement, malgré les arrestations opérées par
les Allemands et les menaces d’exécution contre les « meneurs ».
« Nous ne voulons pas crever de faim. Nous voulons du
pain pour nos femmes, nos enfants et les vieux », écrivent les mineurs.
Le 14 juin 1941, le général lieutenant Niehoff fait
placarder un Avis menaçant.
« Gare à tout refus de travail…
« On ne discute jamais avec des grévistes et des
agitateurs. »
Mais après les menaces, les autorités allemandes – pour
qui la production de charbon est vitale – font quelques concessions.
« Des mesures seront prises pour que vous soyez
raisonnablement représentés auprès des administrations minières et des
autorités occupantes.
« La situation exige de vous une seule chose : être
raisonnables.
« Que chacun s’applique à son travail et qu’il le fasse
de son mieux et avec bonne volonté. C’est ainsi que vous servirez les intérêts
de votre pays en bons Français.
« Si en agissant de la sorte vous préservez la paix
sociale, les autorités occupantes prendront soin de vos intérêts. »
Mais derrière le paravent des mots et des concessions, la
répression s’abat.
Les arrestations se comptent par centaines. On comptera 244 déportés,
9 fusillés. Des femmes de mineurs sont arrêtées comme otages, quand leurs
maris n’ont pu être interpellés.
Le mouvement cesse en juin, mais c’est la manifestation la
plus massive et la plus spectaculaire de la résistance face à l’occupant, même
si son premier mobile est la misère et la faim.
« Que l’occupant se le tienne pour dit, écrivent les
jeunes communistes dans leur journal clandestin, L’Avant-garde.
« Notre jeunesse n’admettra jamais l’oppression
nationale et sur la question de l’indépendance de notre pays il n’y a qu’un
même et unique sentiment dans les rangs juvéniles, c’est d’être débarrassé au
plus vite de la domination étrangère. »
À peine le sang a-t-il fini de couler dans le nord de la
France, teintant de rouge le noir charbon, qu’il éclabousse les murs d’une
chambre de Montélimar – en zone non occupée.
Là, vit en résidence surveillée l’ancien ministre de l’intérieur
du Front populaire Marx Dormoy. Une bombe explose dans sa chambre, le 26 juillet
1941.
Marx Dormoy paie ainsi de sa vie la lutte qu’il a menée en
1936 contre les ligues d’extrême droite.
Les auteurs de l’attentat sont quatre membres du Parti
populaire français de Jacques Doriot qui veulent être les « héros de la
révolution nationale ».
Arrêtés, emprisonnés par la police de Vichy, les Allemands
les libéreront de force de la prison de Largentière.
C’est bien « le vent mauvais » de la guerre civile
qui souffle.
Le 27 août 1941, dans la caserne Borgnis-Desbordes, à
Versailles, une prise d’armes a lieu en présence de Pierre Laval et de Marcel
Déat.
On remet avec les honneurs militaires le drapeau tricolore
au premier contingent des Volontaires français contre le bolchevisme.
Personnalités françaises et allemandes sont au coude à coude
pour célébrer l’événement : l’ambassadeur de Vichy… à Paris, Brinon, côtoie
les diplomates et les officiers allemands.
Tout à coup, des détonations : un homme jeune, que la
foule tente aussitôt de lyncher, a tiré sur Laval et Déat, qui sont tous deux
blessés.
Le « terroriste » – Collette – a-t-il
agi seul, ou bien est-il la main armée de factions – la Cagoule – hostiles
à Laval ?
À Londres, on le célèbre :
« Tu as fait comme tant d’autres l’acte héroïque, dit
le journaliste de La France Libre , l’acte qui serait parfaitement
inutile s’il n’était un exemple et un symbole de ton
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