1941-Le monde prend feu
menace les
enveloppe…
« Notre peuple manifestera par cet unanime garde-à-vous
la magnifique fraternité française, bâtie sur nos malheurs, cimentée par notre
sang, resplendissante de nos espérances. »
Le vendredi 31 octobre, à 4 heures, des millions
de Français se figent durant cinq minutes.
Et, dans la nuit qui tombe déjà, les soldats allemands
créent des incidents à Nancy, au Havre, dans de nombreuses autres villes. Ils
hurlent, bousculent, brutalisent, arrêtent, mais la violence appelle la violence,
le sang appelle le sang.
24.
Ce sang, ces morts, ces suppliciés hantent de Gaulle.
A-t-il eu raison de prêcher « la patience, la
préparation, la résolution » afin d’éviter la mort des otages ?
Il n’est plus satisfait du choix qu’il a fait.
Le gouvernement de Vichy prend chaque jour des mesures
criminelles qui livrent des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants même aux
nazis.
Vichy renie toute l’histoire généreuse de la France, et il
se renie lui-même, ne respectant pas les engagements qu’il avait pris quand il
promulguait, le 3 octobre 1940, le statut des Juifs, affirmant qu’il
respecterait « les personnes et les biens des Juifs ».
Mais Vichy choisit de s’enfoncer dans l’imitation de l’Allemagne
nazie.
De Gaulle sait par les témoignages de Français qui ont
réussi à rejoindre Londres que le nouveau statut des Juifs du 2 juin 1941
prévoit l’aryanisation des entreprises, c’est-à-dire en fait la spoliation des
Juifs, la confiscation de leurs biens sans indemnisation.
Un numerus clausus leur interdit d’être plus de 2 %
des avocats, des médecins et de 3 % des étudiants !
Ceux qui sont qualifiés d’apatrides sont livrés aux
Allemands, et l’on regroupe dans des camps de concentration les Juifs étrangers
entrés en France depuis le 1 er janvier 1936.
En même temps, le régime de Vichy se dote de forces de
répression.
Il s’agit de constituer un Service d’Ordre Légionnaire (SOL),
capable de s’opposer à ceux des Français qui choisissent la Résistance. Il faut
les terroriser, jouer le rôle des SS du régime. Et c’est Pucheu, l’homme qui a
accepté la liste des Français que les Allemands pouvaient fusiller, qui est à l’origine
du SOL. Il a choisi pour le commander Joseph Darnand, un héros de 14-18 et de
39-40, l’un de ces « patriotes dévoyés » qui veulent imiter l’Italie
de Mussolini et l’Allemagne de Hitler et en finir avec le « système
français ».
Darnand puise pour constituer le SOL dans la Légion
française des combattants.
« J’ai choisi, dit-il, ou plutôt j’ai invité ceux qui
étaient de véritables révolutionnaires, ceux qui pensaient sur le plan social
qu’une véritable révolution devait se faire, qu’il fallait qu’on change
complètement de régime, j’ai invité tous ces hommes à se réunir. C’est ainsi qu’on
a fait le SOL. On a dit dix mille hommes. En réalité, ce sont des milliers d’hommes. »
Les adhérents du SOL doivent, genou à terre, prêter serment
à Joseph Darnand :
« Je jure de lutter contre la démocratie, contre la
dissidence gaulliste et contre la lèpre juive. »
De l’antisémitisme d’État, de la livraison aux Allemands de
proscrits qui avaient trouvé refuge en zone non occupée, de la constitution du
SOL, dont le serment est sans équivoque, du rôle de Pucheu, aux centaines de
martyrs fusillés par les Allemands, tout se tient.
De Gaulle médite, s’emporte contre lui-même.
Il a eu tort de se contenter de « prêcher la patience, la
préparation, la résolution ».
Il le dit à Maurice Schumann, l’une des voix les plus
écoutées, les plus flamboyantes de Radio-Londres.
Schumann vient de déplorer les attentats parce qu’ils entraînent
des « représailles inutiles ».
« Pas du tout, s’écrie de Gaulle. C’est terrible, mais
ce fossé de sang est nécessaire. C’est dans ce fossé de sang que se noie la
collaboration. Ces morts ont rendu un service immense à la France. Le monde
entier sait que c’est le mécanisme de l’occupation qui joue en France et non
celui de la collaboration. »
Ce doit donc être la guerre ouverte, impitoyable entre Vichy
qui a choisi l’Allemand, l’Ordre nouveau nazi, et la France Libre. De Gaulle a
sur sa table, en ce mois d’octobre 1941, un rapport qu’un ancien préfet, Jean
Moulin, lui a fait parvenir.
Jean Moulin est un homme
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